Acteur de théâtre et pilier de l’Actors Studio où il fut souvent le partenaire de sa femme Anne Jackson, Eli Wallach a su tirer le meilleur de l’enseignement de Strasberg, grâce à une qualité faisant cruellement défaut à ses contemporains : l’humour. Vif, narquois, cabotin, culotté, Wallach n’hésite jamais à façonner des personnages bigger than life, à frôler le sur-cabotinage en roue-libre sans jamais y céder vraiment.
On le découvre en séducteur insistant à moustache en baguette dans « BABY DOLL », en tueur sadique dans « THE LINEUP », en homosexuel dans « LES 7 VOLEURS », en ringard velléitaire dans « LES DÉSAXÉS » (et à revoir le film aujourd’hui, on s’aperçoit que son jeu est celui qui accuse le moins les marques du temps), en ‘bandido’ verbeux dans « LES 7 MERCENAIRES ».
Il reparaît en hors-la-loi rigolard dans « LA CONQUÊTE DE L’OUEST ». On le revoit en dictateur d’opérette dans « KISSES FOR MY PRESIDENT », en pirate dans « LES CONTREBANDIERS DU CLAIR DE LUNE », en corsaire barbichu dans « LORD JIM ».
Leone lui offre le rôle de sa vie dans « LE BON, LA BRUTE, LE TRUAND » où Wallach dévore à pleines dents le rôle de Tuco fripouille inculte, joviale et sans pitié, écrasant tout et tout le monde sur son passage. Le succès est tel que Wallach tournera encore quelques ‘spaghetti westerns’ moins glorieux. Il est le shérif intègre dans « LE BLANC, LE JAUNE ET LE NOIR » où il finit en travesti, un des « 4 DE L’AVE MARIA », la fripouille dans « ET VIVA LA RÉVOLUTION ! ».
La suite de sa carrière marque étonnamment le pas, après ce coup d’éclat et Wallach ne joue plus que des ‘caméos’ dans des superproductions : le notable corrompu de « L’OR DE MACKENNA », un mafieux sicilien clownesque dans « LE CERVEAU » de… Gérard Oury, un hors-la-loi polonais dans « LE VOLEUR DE CHEVAUX ».
Il est un Napoléon d’opérette dans « LES AVENTURES DU BRIGADIER GÉRARD », un rabbin dragueur dans « GIRLFRIENDS », un avocat dans « THE HUMAN FACTOR », l’homme souffrant dans « LE CERCLE DE FER », un flic ironique dans « LA SENTINELLE DES MAUDITS », le général comploteur de « LA THÉORIE DES DOMINOS », l’employeur de James Coburn dans « L’ARME AU POING ».
Il lui faut attendre le 3ème âge pour enfin retrouver des rôles à la mesure de ses dons de composition : le patron avare de Steve McQueen dans « LE CHASSEUR », le pêcheur crasseux dans « LES GRANDS FONDS », le tueur bigleux intraitable de « COUP DOUBLE » où il vole pratiquement la vedette aux deux stars en titre.
Eli Wallach est positivement génial dans le rôle de Don Altobello, mafieux fourbe et faussement gâteux dans « LE PARRAIN III » où il vole à nouveau et sans en avoir l’air, le film à Al Pacino. Détail intéressant, ce rôle avait été originellement écrit pour… Frank Sinatra et ce dernier avait « soufflé » le rôle de Maggio à Wallach trente ans plus tôt dans « TANT QU’IL Y AURA DES HOMMES ». Événement romancé dans… le premier « PARRAIN ». Coïncidence ?
Il est l’avocat magouilleur dans « THE TWO JAKES / PIÈGE POUR UN PRIVÉ », un vétéran agonisant dans « ARTICLE 99 », le financier capricieux de « HOLLYWOOD MISTRESS », le parrain de la mafia juive dans « LEGACY OF LIES », le prêteur sur gages dans « LA LOI DE LA NUIT », le vieux séducteur dans « TWO MUCH », un business man dans « L’ASSOCIÉ », le grand rabbin dans « AU NOM D’ANNA ». Il est magnifique de drôlerie et d’émotion en scénariste retraité dans « THE HOLIDAY ».
35 ans après le film de Leone, Wallach (en pleine forme, à près de 90 ans !) est dirigé par Clint Eastwood dans « MYSTIC RIVER », où il apparaît non-mentionné au générique en marchand d’alcool. Il reparaît régulièrement dans de petits rôles comme dans « THE GHOST WRITER » ou « WALL STREET 2 : L’ARGENT NE DORT JAMAIS ».
En 2005 sortent ses mémoires, sympathiques mais hélas, trop succinctes : « THE GOOD, THE BAD & ME ».
À la TV, il est le traître de « POUR QUI SONNE LE GLAS », le superméchant de « BATMAN » (rôle que reprendra Schwarzie au cinéma), apparaît en oncle intolérant dans « LE CHANT DU BOURREAU », en scientifique coincé au Pôle Nord dans « A COLD NIGHT’S DEATH », en Juif du ghetto dans « THE WALL », en indic dans « KOJAK », en avocat célèbre dans « THE YOUNG LAWYER », il lutte contre les néonazis de « SKOKIE », joue un propriétaire de vigne dans « ARABESQUE », un ex-ouvrier atteint du cancer dans « NEW YORK DISTRICT », un autre mourant dans « URGENCES ». Il incarne Ben Gurion dans « THE TRIAL OF ADOLF EICHMANN ».
À NOTER : cet article fut initialement posté en décembre 2010 et remis en "actu" en hommage à Eli Wallach qui vient de nous quitter à l'aube de ses 99 ans. RIP.