Les grands films sur la peur atomique de Kubrick ou Lumet dataient déjà de plus de dix ans, quand Robert Aldrich mit en chantier « L’ULTIMATUM DES TROIS MERCENAIRES » (abominable titre français parmi les abominables !). Quand le film démarre, l’ex-général Burt Lancaster, condamné à mort, s’évade avec trois voyous et prend position dans un ‘silo’ où se trouvent neuf missiles nucléaires qu'il menace d’envoyer sur la Russie. Qu’exige-t-il ? Le pouvoir ? La vengeance ? L’argent ? Pas du tout. Nous sommes dans les seventies et Aldrich nous parle d’une Amérique traumatisée par la guerre, ébranlée par les mensonges de Nixon, horrifiée par les secrets d’État. Ce que veut le général, c'est pouvoir dire au peuple américain que la guerre du Vietnam n’était qu’un « concours de quéquettes » entre les U.S.A. et l’Union Soviétique. Que les yankees savaient qu'ils ne vaincraient jamais là-bas, mais ont continué à sacrifier des soldats et des milliers de civils, juste pour prouver à leurs adversaires qu'ils étaient prêts à « aller jusqu'au bout » et ne craindraient donc pas d’utiliser l’arme nucléaire le cas échéant.
Croisade naïve et dérisoire de ce « héros » prêt à déclencher l’apocalypse pour dire la vérité. Mais qui a envie de l’entendre ? Survivant d’une ère révolue, le Burt est complètement déstabilisé par un de ses acolytes, Paul Winfield, plus jeune et plus « aware », qui lui explique ce qu’est devenu le monde.
On le voit le « gros Bob » n’a rien perdu de sa virulence et sa vision du futur (le film se passe quatre ans après sa date de réalisation) est sombre et lucide. Hélas, sa technique a elle pas mal vieilli : la photo fait très téléfilm, les décors ‘high tech’ font aujourd'hui sourire, le split-screen systématique fatigue rapidement et la durée excessive du métrage se ressent dans d’interminables bavardages à la Maison Blanche.
Lancaster assure avec son habituel métier un rôle qu'il a déjà joué à peu de choses près dans « 7 JOURS EN MAI ». Face à lui, Richard Widmark est très bien en général dangereusement incompétent et Charles Durning a le rôle principal, en président honnête et courageux. On a même une petite apparition de William Smith au début, en complice psychopathe que Burt finit par descendre lui-même !
Longtemps invisible, sorti en France coupé de près d’une heure, ce film s’il a subi les outrages du temps, n’en demeure pas moins un cri de dégoût et de révolte contre la marche d’un monde que les auteurs ne reconnaissent plus et dont ils ne veulent pas. 35 ans plus tard, on est en mesure d’affirmer qu'ils avaient bien raison de ne pas en vouloir !
À NOTER : Vera Miles jouait la first lady, mais son rôle a disparu au montage. On a longtemps cru qu'elle avait disparu des versions mutilées du film, mais même dans l’intégrale, elle n’apparaît pas. Un choix artistique, donc.