Henry Fonda fut d’abord et avant tout un homme de théâtre et, selon ses propres dires, il méprisa toujours un peu le cinéma qu'il utilisait pour asseoir sa renommée et gagner sa vie entre deux tournées sur les planches.
Ses films avec John Ford font une icône de Fonda jusque-là spécialisé dans les rôles de paysans naïfs comme dans « LA FILLE DU BOIS MAUDIT » ou de jeunes premiers falots. Il devint symbole vivant d’une l’Amérique candide et héroïque. Une image qu’il incarne avec sa longue carcasse élégamment voûtée, sa démarche nonchalante, ses yeux transparents et sa voix aux accents chantants et cultivés.
Chez Ford, il est le courageux pionnier de « SUR LA PISTE DES MOHAWKS » où il raconte une bataille, dans un monologue resté dans les annales, le jeune Abraham Lincoln dans « VERS SA DESTINÉE », un colonel ambitieux inspiré de Custer (premier contremploi) dans « LE MASSACRE DE FORT APACHE », le prêtre traqué de « DIEU EST MORT », le chômeur tragique dans « LES RAISINS DE LA COLÈRE » où il atteint à l’universel et le shérif Earp dans « LA POURSUITE INFERNALE », un de ses rôles les plus touchants. Il clôt cette fructueuse collaboration avec « PERMISSION JUSQU’À L’AUBE » dans le rôle du lieutenant de marine qu’il joua des années sur scène. Ford et Fonda se fâchent définitivement à la suite de ce tournage.
‘Hank’ Fonda brille en gentleman du Sud dans « L’INSOUMISE », en héritier coupé des réalités dans « UN CŒUR PRIS AU PIÈGE », en cowboy témoin d’un lynchage dans « L’ÉTRANGE INCIDENT », en marshal ambigu dans « L’HOMME AUX COLTS D’OR », en juré tolérant dans « 12 HOMMES EN COLÈRE ». À la cinquantaine, après de longues années exclusivement consacrées au théâtre avec la tournée de « MR. ROBERTS », Henry Fonda varie ses emplois et assume les cheveux gris.
On le revoit en chasseur de primes usé dans « DU SANG DANS LE DÉSERT », en idéaliste russe dans « GUERRE ET PAIX », en musicien injustement accusé de meurtre dans « LE FAUX COUPABLE », en scout ami des Indiens dans « LA CONQUÊTE DE L’OUEST », en président des U.S.A. stressé dans « POINT LIMITE », en commissaire psychorigide dans « POLICE SUR LA VILLE », en psy obstiné dans « L’ÉTRANGLEUR DE BOSTON ». Il s’essaie aux rôles comiques avec le beauf de « VIERGE SUR CANAPÉ » et les cowboys lents d’esprit de « LE MORS AUX DENTS » et « ATTAQUE AU CHEYENNE CLUB » où il est franchement drôle.
La dernière partie de sa carrière est plus aventureuse, puisque Fonda tourne avec Sergio Leone, jouant Frank, tueur détestable qui abat les enfants dans « IL ÉTAIT UNE FOIS DANS L’OUEST », puis Jack Beauregard légende vivante du vieil Ouest dans « MON NOM EST PERSONNE ». Deux contremplois qui demeurent pourtant ses prestations les plus connues aujourd'hui.
Il tourne énormément de ‘caméos’ alimentaires dans des films de guerre : « GUERRE SECRÈTE », « LE JOUR LE PLUS LONG », « PREMIÈRE VICTOIRE ». Dans « TROP TARD POUR LES HÉROS » il disparaît avant même le générique-début !
Fonda reparaît égal à lui-même dans « GROS COUP À DODGE CITY » en émigrant cardiaque se révélant être un arnaqueur professionnel, « 5 HORS-LA-LOI » en nettoyeur de villes au bout du rouleau, dans « LE REPTILE » en shérif honnête et austère, « LE CLAN DES IRRÉDUCTIBLES » en bûcheron borné, « LE SERPENT » en patron de la CIA. Il finit son parcours en jouant un bougon dans « LA MAISON DU LAC » où il se réconcilie à l’image avec sa fille Jane, dans une séquence presque « documentaire ».
À noter qu’il apparaît brièvement dans son propre rôle dans « FEDORA » ainsi qu’en prospecteur barbu méconnaissable dans « WANDA NEVADA » réalisé par son fils Peter.
Il fait une jolie carrière TV : le poète altruiste dans le remake de « LA FORÊT PÉTRIFIÉE », le shérif souvent absent de la série « THE DEPUTY », le flic père de famille de la sitcom « THE SMITH FAMILY », le vagabond alcoolique de « STRANGER ON THE RUN », le vieux taulard de « GIDEON’S TRUMPET », le rééducateur débauché de « THE ALPHA CAPER », le général MacArthur de « COLLISION COURSE », un politicien souriant mais froid dans « RACINES : LA NOUVELLE GÉNÉRATION ».