S’il ne fait pas partie des chefs-d’œuvre de Samuel Fuller, « MAISON DE BAMBOU » est incontestablement son film le plus visuellement soigné. Entièrement tourné au Japon, il annonce des œuvres à venir comme « YAKUZA » ou « BLACK RAIN », en télescopant deux cultures : les Américains et les Japonais. Les premiers n’ayant – et c'est plutôt inattendu – pas forcément le beau rôle !
Le scénario est assez bancal, s’attarde beaucoup trop sur l’ennuyeuse love story entre le flic infiltré dans une bande de gangsters et une ‘Kimona girl’. Malgré quelques touches très lisibles, le film ne développe pas assez le personnage le plus intéressant : le chef du gang, joué par Robert Ryan, un type élégant et intelligent, qui s’attache instantanément à un nouveau-venu, Robert Stack, pour de troubles motivations. D'ailleurs, son lieutenant Cameron Mitchell ne s’y trompe pas, qui lui fait de véritables crises de jalousie. Quand Ryan s’apercevra de la trahison de Stack, il affichera un dépit d’amant bafoué. Le jeu monolithique et sans finesse de Stack empêche (heureusement ?) d’aller trop loin dans l’ambiguïté des relations entre les deux hommes.
De toute façon, on sent que Fuller était plus intéressé par Tokyo que par ses personnages. Il filme la ville avec une passion véritable, choisissant toujours des arrière-plans dépaysants, superbes ou sordides, n’évitant d'ailleurs pas la balade touristique. Mais c'était le premier film U.S. tourné là-bas, aussi a-t-il des excuses.
« MAISON DE BAMBOU » aurait certainement bénéficié d’un montage plus serré et d’un véritable affrontement entre ses deux protagonistes, qui n’arrive jamais vraiment. Il est néanmoins truffé de morceaux de bravoure encore étonnants comme cette attaque de train en pleine campagne au pré-générique ou le duel final sur cette roue surplombant la ville, à la fin.
La scène où Ryan persuadé que son « ex » Mitchell l’a vendu aux flics, va l’abattre dans sa baignoire et lui parle ensuite avec tendresse, fait regretter que Fuller ne se soit pas plus penché sur ce personnage un peu trop survolé.
Malgré ses défauts, un bon polar exotique et un témoignage visuel aujourd'hui historique d’un Tokyo de l’après WW2, vu par l’œil d’un ancien G.I.