Pauvre Henry Levin ! S’il signa jadis un intéressant « JICOP LE PROSCRIT » avec les mêmes Jack Palance et Neville Brand, il semble avec « LA HAINE DES DESPERADOS » complètement chamboulé par les changements qui ont entretemps défiguré le bon vieux western traditionnel : le ‘spaghetti western’ est passé par là, Peckinpah aussi.
Levin tente d’intégrer la violence, la nudité et le « réalisme » dans ses vieilles recettes d’honnête faiseur. Et le résultat est un peu pathétique. Filmé comme un épisode particulièrement bâclé de « BONANZA », pourri de coups de zoom, baignant dans une musique épouvantable (ah ! ces effets sonores pendant les flash-backs !), ce western-tragédie est un festival de mauvais goût, d’acteurs innommables. Les séquences d’action font irrésistiblement penser à ces spectacles de cascadeurs donnés dans les villages western pour touristes et le héros, le transparent Vince Edwards est un sosie du chanteur yéyé Richard Anthony. Ce serait désopilant, si ce n’était si ennuyeux.
S’il existe une raison et une seule de voir « LA HAINE DES DESPERADOS » jusqu'au bout, ce sera – mais au troisième degré, au moins – pour la performance inouïe de Palance. Arborant la plus horrible barbe de sa carrière, l’acteur parfois génial révélé par Elia Kazan, n’a peut-être jamais autant cabotiné. C'est dire ! Absolument déchaîné, Palance brame ses répliques comme un prédicateur dopé aux amphétamines. Il grince des dents, psalmodie en titubant dans la rocaille et campe ce clone du fameux Quantrill, comme une espèce de vampire de l'Ouest. C'est du n'importe quoi à grande échelle, certes, mais cette exhibition hors-contrôle est ce qu'il y a de plus réjouissant dans ce film. Parmi les indigents seconds rôles, Neville Brand, étonnamment obèse, campe un marshal débonnaire et pochetron.
Introuvable depuis des années, le film vient de sortir en DVD en zone 2 et quoiqu’on puisse en penser, c'est une bonne chose. Il s’inscrit dans une période-charnière où le western U.S. subissait toutes les influences extérieures et perdait progressivement son identité. La présence de Palance, pilier du western italien revenu « au pays » ne fait qu’ajouter à la confusion générale.
À NOTER : on ne sait si les deux productions partageaient la même costumière, mais Vince Edwards porte exactement la même tenue (chemise rouge, jeans noirs, gilet de cuir) que James Drury dans la série TV « LE VIRGINIEN » !