« LE VENT DE LA PLAINE » s’est toujours traîné une drôle de réputation, due en partie en remontage dont il fut l’objet et au désaveu de son réalisateur John Huston. Il s’est peu à peu imposé comme un classique mineur du western, statut qui devrait être renforcé par sa récente réédition en Blu-ray.
Fable antiraciste au style décalé et onirique, le film baigne dans une atmosphère « biblique », entre les tempêtes de sable, les malédictions, un faux inceste taraudant les protagonistes et leur entourage. La première moitié est éblouissante : hantée par la silhouette décharnée et fantomatique de ce revenant qui apporte la haine et le malheur avec lui. L’ambiance bon-enfant du début s’empoisonne progressivement, les visages bourrus et débonnaires des pionniers se muent en masques de haine et d’intolérance. Comme l’épouse de l’éleveur Charles Bickford, qui en vient à traiter Audrey Hepburn de « négresse à peau rouge », alors qu'elle était prête à en faire sa bru, quelques jours plus tôt.
La deuxième moitié est plus pauvre narrativement et se confine à un interminable siège dans la maison des Zachary encerclés par les Kiowas. Bien sûr, des idées de mise en scène sont marquantes, comme ce piano en plein-air sur lequel joue Lilian Gish dans la nuit ou ces soldats de plombs fondus pour faire des munitions de fortune. Mais le scénario s’enlise clairement.
Le film est littéralement porté par Burt Lancaster, d’une puissance inouïe en jeune patriarche massif et autoritaire, niant jusqu'au bout ses propres ambiguïtés. Hepburn, ravissante, est peu crédible en Indienne ignorant ses origines, mais sa présence illumine le film. Gish en fait des tonnes en mater familias à l’étrange physique de poupée de porcelaine, mais des seconds rôles comme Doug McClure (qui ressemble étonnamment à Lancaster en beaucoup plus doux), Joseph Wiseman extraordinaire en dément malveillant et John Saxon dans un rôle sacrifié au montage, font des étincelles.
On sent bien par moments que des fondus-enchaînés bizarrement placés dissimulent de grosses coupes, on peut être irrité par la musique pas toujours à la hauteur de images, mais « LE VENT DE LA PLAINE » a tout du « grand film malade » et fascine envers et contre tout. Il donne en tout cas un panorama édifiant du racisme, ce mal insidieux qui transforme les braves gens en brutes haineuses et les amis en ennemis mortels. Un beau film. Et un des meilleurs rôles de Lancaster. Même s’il a une ribambelle de « meilleurs rôles » à son palmarès…