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25 mai 2010 2 25 /05 /mai /2010 18:28

DARLING CLEMENTINE (2)La légende de Wyatt Earp et du duel à OK-Corral a depuis si longtemps supplanté la réalité, que John Ford n’a eu qu’à reprendre quelques évènements, les remodeler selon sa DARLING CLEMENTINE (1)sensibilité, leur donner une logique, pour que « LA POURSUITE INFERNALE » fasse définitivement oublier ce faits-divers somme toute banal et le transcende en une geste de l'Ouest de proportion mythologique.DARLING CLEMENTINE

Avant toute chose, le film est le portrait d’un homme. Mais un Homme avec un ‘H’ majuscule : un honnête homme, humble, sûr de lui, proche de sa famille, courageux et calme. Earp est jeune, mais il a la sagesse d’un patriarche et comme son père probablement, aime à se balancer sur un rocking chair en regardant sa ville s’éveiller. Il aime aussi aller chez le barbier et se faire beau. Le seul moment où on le voit démuni, c'est devant un sentiment qu'il ignorait jusqu'ici : l’amour. « Mac… » demande-t-il au vieux barman, « As-tu déjà été amoureux ? », « J'ai été barman toute ma vie », répond Mac dans une des plus jolies répliques du film.

Le scénario se concentre sur le comportement de Wyatt Earp, sur ses réactions, quitte à délaisser complètement l’intrigue, autrement dit l’enquête pour confondre les Clanton. Ce qui intéresse Ford, c'est de fantasmer cet homme de l'Ouest, tel qu'il n’a certainement jamais existé, mais que tout le monde aurait rêvé d’avoir comme aïeul. Le choix d’Henry Fonda est un des atouts principaux du réalisateur. Digne, simple, un peu raide, l’acteur investit son personnage, le rendant à la fois extrêmement humain et quasi-métaphorique. Toute la séquence deDARLING CLEMENTINE (3) l’inauguration de l’Église, la marche de Earp au bras de la jolie Clementine et leur danse sur le plancher de bois, serre inexplicablement la gorge par sa pudeur et l’espoir qu'il porte. Un morceau de cinéma apparemment anodin, mais qui pourrait symboliser toute l’œuvre de John Ford.

L’épais Victor Mature est un curieux choix pour incarner le maladif Holliday, mais il s’en sort très bien. Au sein d’un cast d’ensemble formidable, c'est Walter Brennan qui étonne le plus en chef de clan faussement gâteux, fourbe et cruel. Un splendide contremploi !

Il faudrait tout citer dans « LA POURSUITE INFERNALE » (quel curieux titre français, tout de même !), de la photo en clairs-obscurs parfois proche du ‘film noir’, aux cadrages impeccables, en passant par la richesse laconique du dialogue (« M’ame… I sure like that name… Clementine »).

C'est évidemment un chef-d’œuvre du western, mais surtout du cinéma tout court. Et pour paraphraser l’affiche de « JUGE ET HORS-LA-LOI » : « Si ça ne s’est pas passé comme ça… Eh bien, ça aurait dû ! ».

DARLING CLEMENTINE (4)

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20 mai 2010 4 20 /05 /mai /2010 18:12

DJANGOTourné deux ans après « POUR UNE POIGNÉE DE DOLLARS », « DJANGO » est le premier ‘spaghetti western’ qui vienne sur le tapis quand on mentionne le genre. Leone mis DJANGO (5)à part, bien évidemment.

L'Ouest de Sergio Corbucci n’a rien à voir avec le modèle américain et moins encore avec le Mexique hispanique de Leone. C'est un cloaque boueux et grisâtre, où l’on patauge dans la gadoue, où la déco des saloons évoque un théâtreDJANGO (1) de Guignol poussiéreux, où les prostituées semblent échappées d’un film de Fellini. L’Étranger qui arrive en ville de retour de la guerre, n’a pas le charme juvénile d’un Ringo. C'est une sorte de croque-mort taciturne, traînant un cercueil derrière lui, circulant à pieds (une grande première !) et semblant poursuivre une vengeance aux origines des plus floues.

Django se retrouve entre deux feux : des révolutionnaires mexicains qu'il tente de blouser et une sorte de KKK local à cagoule rouge-sang. S’il tire les ficelles pendant quelque temps, DJANGO (2)il sera finalement submergé et finira vainqueur, mais fracassé, mutilé, probablement infirme à vie. Car « DJANGO » est un film sinistre et masochiste, qui englue lentement comme cette mare de sables mouvants qui engloutit le butin de notre héros malchanceux. Tous les personnages sont répugnants et les rares qui ne le sont pas, ne sont pas suffisamment développés pour qu’on s’y attache. On suit donc le film avec une fascination teintée d’indifférence, comme on contemple passivement les bribes d’un cauchemar fangeux.

Dans le rôle de sa vie, le très jeune Franco Nero fait merveille, allant au bout de son martyr avec une sorte de délectation morbide. À ses côtés, des seconds rôles sans grand reliefDJANGO (4) hormis la très troublante Loredana Nusciak qui joue la prostituée « sang-mêlé », comme en état de somnambulisme ajoutant encore à la sensation de rêve éveillé.

En cherchant la petite bête, on pourra déplorer quelques coups de zoom superflus et une chanson en Anglais un peu ringarde, mais « DJANGO » est et demeure un film-culte, que beaucoup tentèrent d’imiter, en ne parvenant qu’à singer ses défauts.

Sergio Corbucci ne retrouvera sa « petite musique » que pour « LE GRAND SILENCE » d’une tonalité similaire, mais hormis une ou deux réussites occasionnelles, ne surpassa jamais ce film-phare indémodable.

À noter que « DJANGO » vient de sortir en Blu-ray aux U.S.A. chez ‘Blue Underground’, dans une copie si nette qu'elle gomme les quatre décennies passées depuis le tournage du film. Une merveille.

DJANGO (3)

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18 janvier 2010 1 18 /01 /janvier /2010 19:24

ULZANA RAID (1)
18 ans après son « BRONCO APACHE », Robert Aldrich reprend les bases du scénario, inverse les points de vue, et raconte une histoire parallèle avec beaucoup plus de maturité. ULZANA RAID« FUREUR APACHE », c'est l’histoire du raid dérisoire d’un Apache échappé de sa réserve avec quelques guerriers, qui viole, tue et brûle pendant plusieurs jours, avec l’Armée à ses trousses.

Mais si Massaï était un personnage héroïque, un rebelle admirable, Ulzana est un assassin sanguinaire. Pour autant, Aldrich ne le juge pas : « Haïr un Apache, ce serait comme détester le désert parce qu’on n’y trouve pas d’eau », dit le vieux scout. « J'ai déjà peur d’eux, ça me suffit ».ULZANA RAID (3)

Collant à la stratégie militaire d’une escouade menée par un lieutenant inexpérimenté, accompagné du scout McIntosh (Burt Lancaster) et de son pisteur apache Ke-Ni-Tay, Aldrich signe un film aussi âpre et sec que les rocs de l’Arizona, d’une violence souvent atroce mais jamais gratuite. Le parcours psychologique du lieutenant, fils de pasteur, qui tente d’abord de comprendre les Indiens, puis se met à les détester, est le plus intéressant. Mais le véritable héros du film est Ke-Ni-Tay, le renégat calme et lucide, qui a choisi le côté du plus fort sans renier ses racines. Tout l’inverse du Hondo de « BRONCO APACHE », qui était décrit comme un traître odieux.

Le traitement que fait Aldrich de la violence et des tortures, rapproche son film de « LA BATAILLE DE LA VALLÉE DU DIABLE » auquel il fait souvent penser. Mais « FUREUR APACHE » est plus dépouillé, plus maîtrisé, et le réalisateur ne cède jamais au mauvais goût, son péché mignon.
ULZANA RAID (2)
Quelques images sont indélébiles, comme ce plan du soldat qui se suicide pour échapper aux Apaches, et dont la bouche ouverte laisse échapper de la fumée. Ou encore cette queue de chien enfoncée dans la bouche d’un fermier brûlé vif.

McIntosh est un des plus beaux rôles de Burt Lancaster. Fatigué, boucané, sans illusion mais sans aigreur, il est un dinosaure, à l’instar de ceux qu'il traque. Aucune haine en lui, aucune colère, même lorsqu’il est témoin d’atrocités. Cela fait longtemps qu'il a compris. D'ailleurs, quand il voit des soldats s’acharner sur un cadavre d’Indien, cela ne le surprend pas non plus. Sobre, au seuil de la vieillesse, Lancaster est tout simplement magnifique, bouclant après « VALDEZ » et « L'HOMME DE LA LOI » un beau tryptique westernien. Son vieux complice réalisateur lui offre peut-être les plus beaux gros-plans de sa carrière.

« FUREUR APACHE » est un grand film viscéral et asséché de tout pathos hollywoodien, de tout parti-pris, et très certainement le chef-d’œuvre de Robert Aldrich, tous genres confondus.
ULZANA RAID (4)

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28 novembre 2009 6 28 /11 /novembre /2009 17:53

« PAT GARRETT & BILLY THE KID » n’est peut-être pas le film le plus immédiatement associé au nom de Sam Peckinpah, mais c'est celui qui lui ressemble le plus, y compris au niveau des difficultés qu'il a dû surmonter pour acquérir sa forme actuelle, après deux versions très différentes.

Se basant sur la légende du hors-la-loi William Bonney et de son ex-complice Pat Garrett, devenu shérif, Peckinpah raconte une fois encore la fin d’une ère, le crépuscule d’une race d’hommes, et plus largement, le début de la vieillesse, et la trahison de ses idéaux. Si la sympathie du réalisateur va évidemment à Billy, jeune rebelle insouciant, aimable et charismatique, c'est Garrett qu'il semble comprendre le mieux, même s’il le dégoûte. Sans doute parce qu'il le dégoûte.

Campé par James Coburn, dans ce qui restera son meilleur travail de comédien, Garrett est un mort-vivant (« You’re dead inside », lui dit sa femme dans une scène cruciale, visible pour la première fois), qui a vendu son âme aux gros propriétaires, pour une étoile de fer blanc, et l’assurance qu'il montera dans le train en marche du progrès et du 20ème siècle qui approche à grands pas. Pour ce faire, il devra tuer son passé, et le jeune homme qu'il fut, symbolisés par Billy qui lui, préfère mourir que de renoncer à lui-même. Étrange « héros », que cet homme vieilli avant l’âge, méprisé de tous, qui finit par ne plus supporter son propre reflet dans le miroir, et s'en va seul à la fin, sous les jets de cailloux d’un gamin écœuré. Véritable préfiguration de certains hommes politiques, qui ont fait de la trahison, un mode de fonctionnement.

À ses côtés, Kris Kristofferson est un inoubliable Billy, enfant des rues mal grandi, qui semble savoir que son ancien ami, est pour lui la mort incarnée, et préfère l’attendre tranquillement, en buvant et en faisant l’amour, plutôt que de s’enfuir dans un monde qui ne veut plus de lui.

« PAT GARRETT & BILLY THE KID » refuse tout sensationnalisme, toute « efficacité » à l’Américaine, pour réduire son scénario à une double dérive déstructurée, au rythme funéraire, dans un Ouest sinistre, grouillant de porcs et de poules, où les hommes traînent toute la journée dans la poussière, s’assomment de mauvais whisky, et s’échangent des prostituées mexicaines fatiguées.
 
Peckinpah s’attarde sur des instants volés, comme l’agonie de Slim Pickens devant une rivière, lui qui rêvait de prendre la mer avec un bateau qu'il construit dans son jardin, ou cet échange de coups de feu entre Garrett et un émigrant passant sur sa barque, au crépuscule. Moments magiques, parcelles d’éternité, apparemment inutiles au déroulement de l’histoire, mais qui en font tout le prix.

Citons la BO atypique de Bob Dylan, qui est pour beaucoup dans l’envoûtement durable généré par le film, et dont certaines chansons comme « Knockin’ on heaven’s door » serrent la gorge. Également présent comme acteur, Dylan compose une curieuse silhouette en filigrane, jamais vraiment intégrée au récit, comme la vedette d’un film à l’intérieur du film. Une sorte de témoin de la légende qui se construit. Sam Peckinpah lui-même apparaît brièvement à la fin, dans un rôle de croque-morts, qui conseille à Garrett d’en finir au plus vite.


« PAT GARRETT & BILLY THE KID » a mis longtemps à s’installer dans les grands classiques du western, mais la version achevée en 2005 (qui ne comprend pas certaines séquences présentes dans la précédente, comme la visite de Poe chez les mineurs, avec Elisha Cook, Jr., ou le retour à l’assassinat de Garrett, en épilogue), est un authentique chef-d’œuvre du 7ème Art, et un hommage bouleversant à un monde disparu, dont Peckinpah laisse entendre – à la façon de Leone – qu'il n’a peut-être jamais existé.
 

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27 août 2009 4 27 /08 /août /2009 08:19

« IL ÉTAIT UNE FOIS DANS L’OUEST » est un pur objet cinématographique et ne pouvait exister que par ce média.

Grand pourfendeur de la réalisation « télévisuelle » qu'il exécrait violemment, Sergio Leone a signé avec ce film qui demeure son chef-d’œuvre, un véritable manifeste. Car si au premier regard, il ressemble à une fresque immense, « IL ÉTAIT UNE FOIS DANS L’OUEST » n’est qu’une minuscule anecdote, déjà vue et revue, à laquelle une mise en scène somptueuse et hypertrophiée donne des allures d’épopée.

Car au fond, de quoi s’agit-il ? D’un tueur au service des chemins de fer, massacrant une famille, et rattrapé par une de ses anciennes victimes qui l’accule au duel. Des mésaventures d'une prostituée rangée des voitures... Rien de plus. Un scénario alambiqué en forme deIL ETAIT UNE FOIS DANS L'OUEST suite puzzle, qui emprunte sciemment à des classiques comme « JOHNNY GUITARE », transcendé par une mise en images amplifiant le moindre échange de regards, développant une attente jusqu'à l’exaspération, faisant du moindre dialogue un morceau de bravoure et filmant les visages métamorphosés par un savant maquillage comme s’ils étaient des rocs du Grand Canyon.

L’œuvre de Sergio Leone après avoir été raillée et méprisée, fait aujourd'hui l’objet d’innombrables analyses et ouvrages, mais le seul de ses cinq westerns qui semble garder une part de son mystère, reste « IL ÉTAIT UNE FOIS DANS L’OUEST ». Il y a une grande part d’irrationnel dans ce film-monstre, des choses inexplicables et inexpliquées : pourquoi Harmonica met-il aussi longtemps pour assouvir sa vengeance par exemple ? À vrai dire, cela n’a pas grande importance, car « IL ÉTAIT UNE FOIS DANS L’OUEST » est une sorte de monument élevé au cinéma en général et au western en particulier. En choisissant Henry Fonda dans un rôle d’ordure sadique, Leone lui fait accomplir des gestes entrés dans la légende (la façon qu'il a de faucher la béquille d’un infirme d’un coup de pied, comme dans « L'HOMME AUX COLTS D’OR »), renforçant cette volonté de rendre hommage. La présence de Claudia Cardinale renvoie quant à elle à l’œuvre de Visconti, tant il est vrai que « IL ÉTAIT UNE FOIS DANS L’OUEST » évoque plus d’une fois « LE GUÉPARD », par ses mouvements de caméra, sa lenteur extrême, sa folle ambition.

Et comme il avait sorti Clint Eastwood de l’anonymat, Leone – toujours Pygmalion – réinvente Charles Bronson, acteur de second plan, apparemment condamné aux petits rôles, en lui offrant un rôle convoité par les plus grandes stars américaines.


Le formidable pari qu’a tenté Sergio Leone, fut donc de prouver que finalement, le scénario n’a que peu d’importance et que seule comptait réellement la « vision » d’un réalisateur. Trois tueurs attendent un train, pour abattre l'homme qui va en descendre ? Leone en fait un court-métrage de dix minutes et transforme l’immobilité et l’ennui des trois sbires en grand spectacle. Le héros affronte en duel son Némésis ? L’affrontement devient un interminable ballet dont chaque pas, chaque regard, chaque son est chorégraphié jusqu'à l’abstraction. De même, le réalisateur parvient à inverser l’utilisation de la musique de film : habituellement, celle-ci sert d’accompagnement aux images, de toile de fond sonore, dans « IL ÉTAIT UNE FOIS DANS L’OUEST », ce sont les images qui semblent illustrer l’extraordinaire partition d’Ennio Morricone, qui devient l’âme du film.

Comme la plupart des œuvres de Leone, le film n’a jamais cessé de souffrir entre les mains des censeurs. Aux U.S.A. il est sorti gravement mutilé de 20 minutes, en France ont toujours circulé des copies incluant ou pas certains plans et enfin est récemment sorti en Italie, le « director’s cut » de Leone, subtilement différent de celui qui semblait être gravé dans le marbre, partout ailleurs dans le monde.


« IL ÉTAIT UNE FOIS DANS L’OUEST » est donc un film en perpétuel devenir, qui à l’instar d’autres chefs-d’œuvre comme « PAT GARRETT & BILLY THE KID », ou dans le domaine de la SF « TERMINATOR 2 – LE JUGEMENT DERNIER », n’atteindront probablement jamais leur forme définitive. Tant mieux ?

Nous reviendrons bien sûr, sur « IL ÉTAIT UNE FOIS DANS L’OUEST ». Pas le choix…

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21 juillet 2009 2 21 /07 /juillet /2009 09:13

Pour faire court, « LES PROFESSIONNELS », c'est une sorte de remake des « 7 MERCENAIRES » pour adultes. Non pas que le film de John Sturges soit infantile, mais il ne traite au fond que de problèmes inhérents au western : la solitude du pistolero, la fin d’une ère, etc., alors que le film de Richard Brooks parle tout simplement des guerres modernes, et de ceux qui les font : instigateurs et soldats, bourreaux et victimes.

Ici, quatre mercenaires, les meilleurs dans leur partie, sont engagés par un vieux et riche rancher, dont la jeune épouse mexicaine a été kidnappée. Il demande au quatuor de la lui ramener : « Une mission de pitié », dit-il. Émus malgré eux, nos « pros » passent la frontière, et arrivés là-bas, comprennent qu'ils ont été manipulés, utilisés : la femme n’a jamais été enlevée, elle a fui pour vivre avec son amour de jeunesse, un révolutionnaire. À l’époque, la critique avait fait le parallèle avec l’intervention au Vietnam. Aujourd'hui, il suffit de remplacer l’épouse par des « armes de destruction massive », et la comparaison se fait tout de suite lumineuse. Au-delà du western mouvementé et haut-en-couleurs, nous avons ici un grand film de guerre contemporain.

« LES PROFESSIONNELS » va vite, très vite, Brooks enchaîne les séquences à un rythme effréné, monte « cut », écrit des répliques cinglantes, pour un des plus beaux castings des sixties. Ce qui épate dans le film, au premier abord, c'est qu'il n’a pas pris une ride. Vraiment pas une. Il aurait pu être tourné l’année dernière, sans grand changement notable. Du moins du point de vue technique, car bon courage à celui qui oserait un remake, pour trouver des comédiens d’une telle trempe. Dans son premier grand rôle post-Oscar, Lee Marvin est un magnifique Rico, désabusé, amer, mais prêt à repartir au quart de tour : idéaliste un jour, idéaliste toujours. Dans un rôle inhabituel de « sidekick » quasi comique, Burt Lancaster s’amuse visiblement, Woody Strode est un archer inoubliable, et Robert Ryan, en ami des chevaux, campe le moins fascinant des quatre, mais aussi le plus humain, le plus « normal ». À leurs côtés, Claudia Cardinale, deux ans avant « IL ÉTAIT UNE FOIS DANS L’OUEST », en passionaria indomptable, et Jack Palance un peu âgé pour son rôle (il est censé avoir été élevé avec sa maîtresse !), plus sobre que de coutume.

La photo de Conrad Hall est une pure merveille, la musique de Maurice Jarre compte parmi ses meilleures, et le spectacle est total. Mais ce qui séduit le plus dans « LES PROFESSIONNELS », est que sous le cynisme, la dureté, l’avidité, subsiste comme une braise encore ardente, le besoin de pureté et de rédemption de ces « guns for hire », véritable microcosme américain. Le revirement final, pour peu plausible qu'il soit, fait évidemment chaud au cœur.

Dans « LES PROFESSIONNELS », les montagnes explosent, les femmes-soldats fument le cigare, les bâtons de dynamite transpirent, et les bonnes répliques fusent comme des flèches enflammées. C'est le meilleur film de Brooks, et il fait partie de cette élite de long-métrage qui supporte sans le moindre problème les re-visions multiples. Qui en profite, même.
PROS suite 

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16 juillet 2009 4 16 /07 /juillet /2009 12:21

 

Longtemps, « LES 7 MERCENAIRES » fut (dé)considéré comme un pauvre ersatz de son modèle, le chef-d’œuvre « LES 7 SAMOURAÏS » tourné au Japon six ans plus tôt. Il est vrai que le western de John Sturges n’atteint jamais les hauteurs du film de Kurosawa, mais il s’est lentement imposé comme un classique du western grâce à tout un réseau d’éléments qui se sont mis en place au cours des années.

Le casting d’abord, qui en 1960 ne comportait que deux « vedettes » connues du public : Yul Brynner et Eli Wallach et qui s’est enjolivé année après année, alors que ses seconds rôles montaient en grade. À chaque ressortie, Steve McQueen, Charles Bronson, James Coburn ou Robert Vaughn, venaient enrichir l’affiche, grâce à leur succès, que ce soit au petit ou au grand écran. Et c'est ce phénomène qui assura la pérennité du film. Sans parler bien sûr, de la musique d’Elmer Bernstein, qui devint un « standard » repris dans les émissions consacrées à l'Ouest américain, comme un hymne national.

« LES 7 MERCENAIRES » fut tourné au Mexique, dans de somptueux paysages que Sturges filma avec toute sa science du CinémaScope. Le scénario est très (trop) mécaniquement construit : recrutement des « gunmen », attaque des pillards, défaite des héros puis retour et mise en déroute des méchants. La partie « recrutement » a fait beaucoup pour le succès du film, avec chaque nouveau mercenaire présenté dans une sorte de « sketch » qui lui est consacré. On pense à Coburn qui fait la démonstration de son lancer de couteau, de Bronson et sa hache. Un groupe d’aventuriers légèrement « has been », qui s’unissent pour une cause perdue dont ils n’ont finalement pas grand-chose à faire. Car chose curieuse, si « LES 7 MERCENAIRES » fonctionne sur ce groupe d’hommes prêts à se sacrifier pour des raisons qui leur sont propres, il n’existe quasiment aucune camaraderie entre eux. Ce sont tous – McQueen excepté – des « poissons froids », des durs à cuire taciturnes venus faire un job et non pas remplir leur carnet d’adresses. Si des liens se forment, c'est avec des gens du village : Bronson avec les enfants, Brynner avec le vieux sage ou Horst Buchholz avec une jolie paysanne. Entre eux, c'est à peine si s’établit une sorte de pacte de non-agression.

Le film est extrêmement bien dialogué, et certaines répliques (« Jusqu'ici, ça va »), ont été souvent reprises ailleurs, d’autres (« Notre monnaie, c'est le plomb, mon ami ») font partie intégrante de la mythologie de Steve McQueen et quelques unes (« Pas d’ennemis… vivants ») sont des classiques du western.

Bien sûr, tout n’est pas parfait : décors, costumes et paysages, tout paraît extraordinairement propre et ripoliné, on est loin du Mexique pouilleux de Peckinpah ! Des comédiens « exotiques » comme Brynner ou pire encore l’Allemand Buchholz ont un mal fou à s’intégrer à cet univers et ce sont pourtant eux, qu’on voit le plus à l’écran.

Mais pour le reste, le film demeure un bonheur de chaque seconde : le stetson torché de sueur de McQueen, la leçon de respect que Bronson inflige aux muchachos mal-élevés, Coburn abattant un fuyard à distance (« C'est le meilleur tir que j'aie vu de ma vie ! » s’exclame Chico. « Le pire », répond Coburn. « Je visais le cheval ! »), les cauchemars nocturnes de Vaughn complètement au bout du rouleau. Et bien sûr, le numéro de cabotinage inouï de Wallach en bandido bavard et au fond, pas si antipathique que cela. Le film est truffé de petits numéros d’acteurs, tous plus amusants les uns que les autres, qui font tout le prix des « 7 MERCENAIRES ».

John Sturges a fait mieux, c'est indéniable, que ce soit « UN HOMME EST PASSÉ » ou « LE DERNIER TRAIN DE GUN HILL », mais a-t-il fait plus jouissif que « LES 7 MERCENAIRES » ? Pas sûr…

7 MERCENAIRES suite 

 À NOTER : l’excellent documentaire « GUNS FOR HIRE », visible dans le DVD, qui a réussi à interviewer quelques survivants du film, peu avant leur mort, et des réalisateurs comme John Carpenter, qui en parlent avec ferveur. De nombreuses anecdotes dans les mémoires de Neile Adams-McQueen, ex-femme de Steve, qui raconte que le plateau « dégoulinait littéralement de testostérone », et parle de la rivalité entre la star Brynner et le quasi inconnu McQueen.

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12 juillet 2009 7 12 /07 /juillet /2009 17:34

Tourné en 1930, « LA PISTE DES GÉANTS » est encore aujourd'hui un épatant morceau de cinéma. Filmé avec le procédé 70MM « Fox-Grandeur », qui est l’aïeul très en avance sur son temps du CinémaScope, le film de Raoul Walsh fascine par les moyens mis en œuvre. C'est une véritable remontée dans le temps, qui adopte un ton semi-documentaire et plonge littéralement le spectateur au cœur de la dure vie des pionniers. Peu de studio, de transparence, pas de Matte Painting, rien que des extérieurs où l’on sent que ce qu’on voit à l’écran s’est réellement passé pendant le tournage. La logistique est colossale et Walsh évite les gros-plans, enchaînant plans généraux et moyens, ce qui augmente la sensation de « vécu » du film.

Le scénario n’est pas le point fort de « LA PISTE DES GÉANTS » : c'est une succession de vignettes, alignant à peu près toutes les scènes à faire, depuis la traversée d’une rivière en crue, jusqu'à l’attaque d’Indiens, en passant par le désert, la tempête de neige, tout y passe. L’histoire de vengeance qui motive notre héros, n’est pas des plus adroites non plus et on se demande vraiment pourquoi il attend la fin du film pour se débarrasser de ses ennemis. Mais l’essentiel n’est pas là, et ce film-monstre, relativement méconnu, est d’une folle ambition.

C'est également le premier rôle principal d’un jeune comédien de 23 ans, auquel la Fox a donné sa chance, préférant économiser le salaire d’une star établie (Gary Cooper, en l’occurrence). On a souvent écrit que son jeu était encore gauche et pataud, mais il n’en est rien. John Wayne possède déjà le charisme à l’image, la diction et la sympathie qui le mèneront au sommet. Si maladresse il y a, c'est celle de son personnage, un trappeur naïf mais déterminé qui n’hésite pas à affirmer « La loi ici, c'est moi ». Le film n'ayant pas été un succès commercial, Wayne devra patienter encore neuf ans, avant qu'une nouvelle chance se présente. La bonne, cette fois...
Parmi les seconds rôles, on reconnaît un figurant nommé Ward Bond, autre pilier des films de John Ford. On pourra légitimement  grincer des dents devant le jeu outré de Tyrone Power, Sr. qui joue le très méchant guide, comme un ogre braillard sorti d’un mauvais film de pirates et s'agacer des blagues de belle-mère du comique suédois, insupportable.

« LA PISTE DES GÉANTS » a longtemps circulé dans sa version « normale », au format carré, qui fut tournée parallèlement. La Fox l’a récemment restauré et édité en DVD dans toute la splendeur de son format « Grandeur ».

Pour une fois, la pub n’est pas mensongère…

 

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3 juillet 2009 5 03 /07 /juillet /2009 18:01

Quelles étaient les chances d’un western franco-italien tourné dans une station de ski transalpine en pleine saison, de devenir un classique du genre ? Quasi nulles. Et pourtant, « LE GRAND SILENCE », signé de l’inégal Sergio Corbucci, capable du meilleur (« DJANGO ») comme du pire (une bonne partie de sa filmo) est un film absolument unique dont l’influence picturale et thématique s’est faite ressentir de la BD au cinéma japonais, comme en témoigne l’extraordinaire « GÔYOKIN », véritable hommage nipponisé à ce « GRANDE SILENZIO » pourtant si lointain.

Corbucci a beau situer son film historiquement et géographiquement, « LE GRAND SILENCE » est un rêve éveillé, un cauchemar enneigé, ouaté où les hommes en sont réduits à ce qu'ils ont de plus primitif : des chasseurs, des proies et des charognards. Rien de plus.
Le scénario est simple, confiné dans quelques lieux coupés du monde et du réel et il ne s’encombre jamais de vraisemblance : on nous apprend que les armes s’enrayent dans le froid, mais le fusil que Tigrero avait enseveli sous la neige, fonctionne parfaitement. De même pour cette hallucinante coïncidence qui fait que Silence tombe justement dans la ville dirigée par l’assassin de ses parents, qu'il ne semble même pas reconnaître ! Aucune importance, le réalisme est le cadet des soucis du film. Seuls comptent l’émotion, les images fortes, les séquences baroques. La musique inspirée d’Ennio Morricone fait énormément pour la fascination hypnotique exercée par « LE GRAND SILENCE ». Sans offrir aucune ressemblance avec les BO qu'il signa pour Leone, Morricone joue la carte de l’étrangeté, teintée d’une tristesse poignante qui atteint son paroxysme dans le sacrifice final du héros qui se mue subitement en figure christique, sans que son geste absurde ne change quoi que ce soit au destin de ses frères humains. Car si « LE GRAND SILENCE » est resté dans toutes les mémoires, c'est entre autres grâce à sa fin nihiliste et révoltante qu'il faut plusieurs visions pour englober totalement. Les producteurs firent d'ailleurs tourner une « happy end » alternative, mais Corbucci bâcla tellement le travail qu'elle fut inutilisable. L’incroyable carnage final qui renvoie de façon subliminale à l’Holocauste, clôt un « bad trip » de glace et de feu, dont on a du mal à émerger complètement.

Le film doit beaucoup à son duo de vedettes : Jean-Louis Trintignant d’abord, en ange de la mort muet, sorte de chasseur de chasseurs de primes qui fait sauter le pouce de ses adversaires plutôt que de les tuer. Épaissi par ses manteaux et écharpes, le plus mystérieux des acteurs français, se dépouille au fur et à mesure de ses oripeaux protecteurs, pour révéler sa silhouette frêle et vulnérable, véritable offrande à tous les prédateurs qui rôdent en ville. Même si Trintignant ironisa abondamment sur l’absurdité d’un tel film au sein de sa carrière dans ses mémoires, Silence est un de ses rôles les plus marquants. Face à lui, Klaus Kinski joue à contre-pied un horrible « bounty hunter » efféminé et mielleux, dont la cruauté tranquille fait bien plus peur que les habituelles explosions de rage du comédien allemand. Il faut l’avoir vu abattre un hors-la-loi et ensuite sortir un petit carnet de comptabilité où il note soigneusement toutes ses « rentrées » ! Seul l’Américain Frank Wolff détonne un peu en jouant son shérif de façon bouffonne, comme s’il sortait d’un autre film. Vonetta McGee, avec ses immenses yeux noirs et tragiques est une inoubliable Pauline, dont la peau foncée tranche avec le blanc du paysage qui dévore tout.

« LE GRAND SILENCE » est tellement déconnecté de tout ce qui s’est fait auparavant dans le western, même italien, qu'il ne se démode jamais. Et le regard que portent les auteurs sur les chasseurs de primes, mythifiés par les films de Leone, est plutôt âpre : des bêtes sauvages protégées par la loi, des dévoreurs de cadavres. Rien à voir avec les samouraïs du Far West de l'autre Sergio...
LE GRAND SILENCE suite

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