Ce garçon de bonne famille cultivé et courtois, fut également quand il était en proie à ses démons, un fauteur de troubles invétéré que le cinéma a d’abord spécialisé dans les emplois de brutes épaisses. Lee Marvin fut marine pendant la WW2 et ne s’en est apparemment jamais tout à fait remis. Il avait une aisance exceptionnelle avec les armes à feu, le regard las de l'homme revenu de l’enfer et le cynisme railleur du soldat vétéran.
S’il s’est illustré dans le polar où il trouva quelques uns de ses plus beaux rôles (« RÈGLEMENT DE COMPTES », « LE POINT DE NON-RETOUR »), Lee Marvin fut une figure majeure du western où il imposa sa marque dès le début des années 50.
Dans son premier western, « DUEL SANS MERCI », Marvin apparaît brièvement en joueur de poker moustachu. Il fait davantage impression en hors-la-loi obsédé sexuel dans « LE RELAIS DE L’OR MAUDIT », en sergent intelligent dans « L’EXPÉDITION DU FORT KING », en voyou insolent dans « LES MASSACREURS DU KANSAS », où il va jusqu'à cracher sur le pantalon de Randolph Scott ! Dans « BATAILLE SANS MERCI », il retrouve ses oripeaux de violeur potentiel, dans « LE RAID », il est un rebelle sudiste (il a dans ce film, une séquence de pétage de plombs dans une église, tout à fait réjouissante). « UN HOMME EST PASSÉ » lui offre un rôle de brute sadique en tandem avec son ami Ernest Borgnine. À noter que lors du vedettariat de Marvin, le film ressortit en salles sous le titre « COUP DUR À BLACK ROCK », avec Lee en tête d’affiche (photo).
« 7 HOMMES À ABATTRE » lui donne peut-être son plus beau rôle, celui de Big Masters, pistolero arrogant, pervers, mais étonnamment sympathique, qui éclipse la vedette du film, Randolph Scott, qu'il avait déjà croisé par deux fois. Dans ce formidable western, Marvin campe un personnage d’une complexité exceptionnelle, intelligent et suicidaire. Son rôle de sergent de cavalerie dans « LES PILIERS DU CIEL » et de champion de course à pied dans « L’ARBRE DE VIE », sont évidemment des déceptions, après ce coup d’éclat.
Après plusieurs années consacrées à la TV, Lee Marvin revient au western pour une courte participation dans « LES COMANCHEROS ». En tueur d’Indiens bestial, à moitié scalpé, il bouffe littéralement l’écran et sa disparition au bout d’un quart-d’heure de film laisse un vide impossible à combler, même par John Wayne. Il retrouve d'ailleurs celui-ci pour « L'HOMME QUI TUA LIBERTY VALANCE », où dans le rôle-titre, Marvin s’éclate sans retenue en bandit vulgaire et violent.
En 1965, il obtient l’Oscar pour sa prestation dans « CAT BALLOU », où il cabotine éhontément dans un rôle d’ex-roi du revolver, devenu clochard. Il tient également le rôle de son frère jumeau, un tueur au nez d’acier. Marvin y est amusant mais il aurait probablement mérité la récompense pour d’autres rôles.
« LES PROFESSIONNELS » l’installe comme roi du film d’action, dans le rôle du leader des mercenaires, et « LA KERMESSE DE L’OUEST », western musical, donne un coup d’arrêt sévère à son vedettariat. La carrière de Marvin aura du mal à se relever de cet échec cuisant. Le film vaut ce qu'il vaut, mais l’acteur y chante « I was born under a wanderin’star » qui fut un tube planétaire.
Marvin garde son look hirsute et barbu pour « MONTE WALSH », beau western crépusculaire, vision réaliste de la vie des cowboys et de la fin d’une ère. « LES INDÉSIRABLES » est un western moderne, où en tandem avec Paul Newman, Lee Marvin campe un traîne-savate laissé pour compte de l’Amérique. Un film hélas, loin d’être aussi passionnant qu'il en a l’air.
Marvin est excellent dans « DU SANG DANS LA POUSSIÈRE », dans un rôle de braqueur de banques égoïste, qui forme des ados admiratifs, pour mieux les sacrifier ensuite. Il retombe dans ses pires travers de cabotinage avec « UN COWBOY EN COLÈRE », mais trouve son maître en la personne d’Oliver Reed, qui l’éclipse, en jouant un Indien ivrogne.
Lee Marvin a beaucoup tourné pour la TV, et particulièrement des westerns. On se souviendra de son mineur détraqué dans un « BONANZA », du hors-la-loi qui kidnappe un juge dans « LE VIRGINIEN » ou du bandido mexicain de « LA GRANDE CARAVANE ».
Sa carrière ne fut pas à la hauteur des capacités du bonhomme, et souvent sa vraie personnalité fut plus passionnante que les rôles qu'il jouait à l’écran, mais l’écho de la voix rocailleuse de Lee Marvin n’a pas fini de se faire entendre.
A NOTER : la biographie de Donald Zec fut disponible en Français, et un excellent petit ouvrage "LEE MARVIN : HIS FILMS AND CAREER" de Robert J. Lentz est sorti en 2005. "LEE : A ROMANCE", les mémoires de sa femme Pamela sont également révélatrices de l'homme, tout comme les extraits d'interviews visibles sur YouTube.