Tourné deux ans après « POUR UNE POIGNÉE DE DOLLARS », « DJANGO » est le premier ‘spaghetti western’ qui vienne sur le tapis quand on mentionne le genre. Leone mis à part, bien évidemment.
L'Ouest de Sergio Corbucci n’a rien à voir avec le modèle américain et moins encore avec le Mexique hispanique de Leone. C'est un cloaque boueux et grisâtre, où l’on patauge dans la gadoue, où la déco des saloons évoque un théâtre de Guignol poussiéreux, où les prostituées semblent échappées d’un film de Fellini. L’Étranger qui arrive en ville de retour de la guerre, n’a pas le charme juvénile d’un Ringo. C'est une sorte de croque-mort taciturne, traînant un cercueil derrière lui, circulant à pieds (une grande première !) et semblant poursuivre une vengeance aux origines des plus floues.
Django se retrouve entre deux feux : des révolutionnaires mexicains qu'il tente de blouser et une sorte de KKK local à cagoule rouge-sang. S’il tire les ficelles pendant quelque temps, il sera finalement submergé et finira vainqueur, mais fracassé, mutilé, probablement infirme à vie. Car « DJANGO » est un film sinistre et masochiste, qui englue lentement comme cette mare de sables mouvants qui engloutit le butin de notre héros malchanceux. Tous les personnages sont répugnants et les rares qui ne le sont pas, ne sont pas suffisamment développés pour qu’on s’y attache. On suit donc le film avec une fascination teintée d’indifférence, comme on contemple passivement les bribes d’un cauchemar fangeux.
Dans le rôle de sa vie, le très jeune Franco Nero fait merveille, allant au bout de son martyr avec une sorte de délectation morbide. À ses côtés, des seconds rôles sans grand relief hormis la très troublante Loredana Nusciak qui joue la prostituée « sang-mêlé », comme en état de somnambulisme ajoutant encore à la sensation de rêve éveillé.
En cherchant la petite bête, on pourra déplorer quelques coups de zoom superflus et une chanson en Anglais un peu ringarde, mais « DJANGO » est et demeure un film-culte, que beaucoup tentèrent d’imiter, en ne parvenant qu’à singer ses défauts.
Sergio Corbucci ne retrouvera sa « petite musique » que pour « LE GRAND SILENCE » d’une tonalité similaire, mais hormis une ou deux réussites occasionnelles, ne surpassa jamais ce film-phare indémodable.
À noter que « DJANGO » vient de sortir en Blu-ray aux U.S.A. chez ‘Blue Underground’, dans une copie si nette qu'elle gomme les quatre décennies passées depuis le tournage du film. Une merveille.