Lee Marvin symbolise à lui seul ce qui fait la grandeur des acteurs U.S. : un physique insolite, un sens de la gestuelle adéquat pour chaque rôle, une voix inimitable et une réputation à faire pâlir de jalousie Gengis Khan.
Ex-marine à 17 ans pendant la WW2 et second rôle dans les fifties, Marvin crée des ‘bad guys’ inoubliables, entre sadisme et pure caricature : le pistoléro insolent dans « LES MASSACREURS DU KANSAS » (il faut l’y avoir vu cracher sa chique sur Randolph Scott !), le gambler moustachu de « DUEL SANS MERCI », le hors-la-loi peloteur dans « LE RELAIS DE L’OR MAUDIT », le motard crasseux de « L’ÉQUIPÉE SAUVAGE », le voleur enrhumé dans « LES INCONNUS DANS LA VILLE », le kidnappeur désaxé de « A LIFE IN THE BALANCE » et surtout l’homme de main bestial de « RÉGLEMENT DE COMPTES » où il brûle le visage de Gloria Grahame avec du café bouillant, dans une scène anthologique.
Marvin est MP dans « COURRIER DIPLOMATIQUE », joue ‘Slob’ le cuistot libidineux de « SHACK OUT ON 101 », le voyou dégingandé de « UN HOMME EST PASSÉ », le malfrat qui bat Shelley Winters dans « LA PEUR AU VENTRE », le sergent assoiffé de sang de « THE RAID », le colonel arriviste de « ATTAQUE ! », le cynique étudiant en médecine de « POUR QUE VIVENT LES HOMMES », le musicien jaloux de « LA PEAU D’UN AUTRE ». Il connaît un premier succès avec Big Masters, hors-la-loi pervers et intelligent de « 7 HOMMES À ABATTRE », qui demeure un de ses meilleurs rôles. Il est parfait en ruffian tonitruant dans « L’ARBRE DE VIE » où sa mort solitaire est le meilleur moment du film.
Parmi les rôles moins marquants de sa première période : le radio de « LA MARINE EST DANS LE LAC », le flic de « GORILLA AT LARGE », le marine crasseux de « OURAGAN SUR LE CAINE », le G.I. de « EIGHT IRON MEN » et l’officier dans « THE RACK ».
La TV lui apporte le succès au milieu des fifties avec le rôle de Frank Ballinger, flic impassible de la série « M-SQUAD » et Marvin retourne au cinéma avec des rôles plus substantiels : le trafiquant à moitié scalpé dans « LES COMANCHÉROS », le bandit d’opérette aussi cabotin qu’imprévisible de « L’HOMME QUI TUA LIBERTY VALANCE », l’ex-sportif alcoolique de « LA NEF DES FOUS ». Son rôle de tueur à gages perplexe mais froid comme l’acier dans « À BOUT PORTANT », hisse définitivement Marvin au stade d’icône indéboulonnable.
L’Oscar pour sa double prestation dans « CAT BALLOU » (où il surjoue gaiement en tueur au nez d’acier et en ivrogne braillard) fait de lui une grande vedette des sixties et Marvin s’enferme alors dans une image de super ‘pro’ insensible, se montrant efficace en mercenaire réglo dans « LES PROFESSIONNELS », en officier indiscipliné dans « 12 SALOPARDS » (rôle qu’il retrouve dans la sequel TV « THE DIRTY DOZEN : THE NEXT MISSION »), en vengeur désincarné dans « LE POINT DE NON-RETOUR » et plus tard en vagabond endurci dans « L’EMPEREUR DU NORD », en tueur policé dans « CARNAGE », en flic de la police montée dans « CHASSE À MORT », en gangster en fuite dans le film français « CANICULE », en officier dur à cuire dans « DELTA FORCE ».
L’autre facette de sa personnalité est stigmatisée par un goût prononcé pour la grandiloquence et l’exhibition, parfois exécrable : le chercheur d’or chantant de « LA KERMESSE DE L’OUEST », le traîne-savate de « UN COWBOY EN COLÈRE », le contrebandier de « PAROLE D’HOMMES » ou parfois intéressant : le marine naufragé de « DUEL DANS LE PACIFIQUE ».
Le cowboy insoumis de « MONTE WALSH » se situe entre les deux courants et demeure un de ses plus beaux rôles.
John Frankenheimer avec qui il avait tourné pour la TV, offre à Marvin un de ses personnages les plus riches dans « THE ICEMAN COMETH », d'après la pièce d’Eugene O’Neill. L’acteur y campe un VRP grandiloquent, ex-ivrogne repenti, avec une verve inouïe.
Sa collaboration avec le réalisateur Sam Fuller, offre à Marvin le rôle du sergent emblématique de « THE BIG RED ONE / AU-DELÀ DE LA GLOIRE », personnage magnifique, même s’il vient un peu tard dans la carrière de Marvin. La scène où il transporte sur ses épaules, un enfant mort en camp de concentration, restera un sommet de sa carrière.
À la fin de sa vie, Marvin était surtout connu aux U.S.A. pour sa séparation tapageuse d’avec la danseuse Michelle Triola qui lui intenta un procès ultra-médiatisé. En ‘98, Pamela la veuve de Marvin publie « LEE : A ROMANCE », sur leur mariage et plus généralement sur la vie et la carrière de l’acteur. L’année suivante, John Boorman tourne un documentaire sur Marvin.
À la TV, Lee Marvin apparaît en pilote dans « BAIL OUT AT 43.000 », en manager d’un robot boxeur puis en pistoléro couard dans deux épisodes de « TWILIGHT ZONE », en sergent odieux dans « COMBAT ! », en contremaître brutal et en imprésario amoureux dans deux « ROUTE 66 », en gangster ou en ripou dans trois épisodes des « INCORRUPTIBLES », en hors-la-loi qui kidnappe Lee J. Cobb dans « LE VIRGINIEN » (épisode réalisé par Samuel Fuller), en athlète d’origine indienne dans « THE AMERICAN », en prospecteur fêlé dans « BONANZA », en soldat passé à l'ennemi dans « THE CASE AGAINST PAUL RYKER ». Marvin collabore deux fois avec Sam Peckinpah : pour un « ROUTE 66 » et « THE LOSERS » où il forme un couple de joueurs avec son ami Keenan Wynn.
Aujourd'hui, il aurait fêté ses 87 ans. Happy birthday, Lee.