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14 février 2011 1 14 /02 /février /2011 17:40

KILLERS (2)« À BOUT PORTANT » a été produit pour la télévision. Mais la chaîne a refusé de le diffuser, effarée par son amoralité et sa violence. Personne n’avait songé à lire le scénario ?

Inspiré d’une nouvelle d’Hemingway, déjà adaptée pour le classique « LES TUEURS », ce polar est un cas unique. Épure ‘hard boiled’, filmée sans grâce ni recherche, dans uneKILLERS (5) KILLERS (1)lumière crue de série TV des sixties, « À BOUT PORTANT » est un film ultra-dry, débarrassé de tout sentimentalisme, de toute humanité. Le seul personnage doté d’émotions humaines, le pauvre Johnny North, est finalement un pantin manipulé, une dupe absolue, trahi, utilisé jusqu'à perdre l’envie de vivre. Tous les autres ne sont que des machines. À tuer, à faire du pognon, à trahir, à voler…

Même s’il disparaît le temps de longs flash-backs, Lee Marvin est au cœur du film. Formant un étrange tandem avec Clu Gulager, jeune flingueur narcissique et tête-à-claques, il incarne un tueur à gages profondément perturbé par un évènement extraordinaire : l'homme qu'il est chargé de tuer ne cherche pas à fuir. Il attend sereinement la mort. Du jamais vu pour Marvin, qui jusque là avait une vision binaire du monde : tué ou être tué, être du bon côté du flingue ou pas, vivre ou mourir. C'est son univers qui s’écroule, quand North (John Cassavetes) n’entre dans aucune case. Alors, prétextant la recherche d’un butin hypothétique, l’assassin professionnel va mener son enquête pour découvrir ce qui peut pousser un homme à désirer la mort.

KILLERS

C'est un des rôles les plus fascinants de l’acteur, qui assume en seigneur un comportement ahurissant (surtout pour l’époque) : son premier exploit est de malmener une pauvre KILLERS (3)aveugle. Quand on le supplie, il n’a qu’une réponse. Toujours la même : « Je n’ai pas le temps ». Ce sera d'ailleurs l’ultime phrase qu'il prononcera. Le visage de glace, looké comme un VRP, la voix caverneuse, Marvin a une gestuelle d’une incroyable inventivité. Et son dernier plan, alors qu’ayant fait tomber son arme, il braque… son index sur les policiers, est entré dans les annales du polar. Mais c'est l’instant où il comprend enfin pourquoi North s’est laissé mourir, qui est le plus subtil : soudain, le tueur semble se souvenir d’une existence antérieure, où il connaissait le sens du mot amour. Peut-être même l’avait-il expérimenté lui-même ? Pas sûr !

À ses côtés, Cassavetes est touchant en pauvre type ballotté et naïf sous ses airs de faux-dur, Ronald Reagan joue du sourcil en gangster en col blanc. Mais c'est Angie Dickinson qui crève l’écran dans un rôle de garce d’exceptionnelle amplitude. Tellement ambiguë qu’on ne sait jamais sur quel piedKILLERS (4) danser, puisqu’elle-même ne doit pas le savoir la moitié du temps. Joli numéro d’équilibriste de la trahison érigée en art.

Avec ses répliques stylisées, sa violence sèche, sa terrifiante froideur intrinsèque, « À BOUT PORTANT » raconte finalement la descente aux enfers d’un candide dévoré vivant par des loups affamés. Et en parallèle, le parcours d’un des loups, surpris de voir cet agneau qui attend tranquillement le coup de crocs fatal. Deux routes qui se croisent brièvement, le temps de vider un chargeur et finissent par se rejoindre par le truchement d’une vengeance par personne interposée. La boucle est joliment bouclée, la fable est achevée. Mais quant à lui trouver une morale… C'est une autre histoire !

Peut-être le chef-d’œuvre de Don Siegel, qui en 1964 signait encore ‘Donald’.

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commentaires

D
Revu hier avec un plaisir égal.<br /> Un regret cependant : Reagan. Il est élégant, il joue bien, hausse le sourcil gauche avec conviction, mais...<br /> Son personnage est un gangster terrifiant et sans scrupule. Dommage que Siegel ne lui aie pas donné l'occasion d'extérioriser plus efficacement ce côté sombre et inquiétant.<br /> Cher Fred, quand tu parles de l'inhumanité des personnages, tu oublies Claude Akins qui démontre une réelle affection pour Cassavetes. Au point qu'il pleure sur le sort de son ami.
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V
Je viens de voir ce film...Bon, très bon...Je crois que je le redécouvrirais au fil des visionnages...<br /> <br /> Tiens, je n'avais pas remarqué les implications du "binôme" de tueurs...Chut, comme dit Lemmy ;-)
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L
<br /> Chut... ;-)<br /> <br /> <br />
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F
<br /> <br /> Ah, mais... Je n'ai rien dit !<br /> <br /> <br /> <br />
L
<br /> J'aime savoir que Lee ait improvisé ce geste ou que ce soit dit car tout semble mener à ce geste. Vieux cabot qui a dû y penser gravement. Marvin est si granitique dans ce film que chaque geste est<br /> comme amplifié, spécialement car son sbire plus enfantin (curieux couple... je m'étonne que tu n'en aie pas parlé ;-)) est assez disert. Quand il se permet quelque chose, c'est assez fort,<br /> notamment quand il fait "chut..." à l'aveugle qu'il vient d'assommer (cabot va). Marvin aurait été formidable dans "Le flingueur"...<br /> <br /> Dans ce que j'ai vu d'Angie, oui, c'est son meilleur rôle, avec "Rio Bravo" bien sûr où elle explose tous les cadrans de charme. Dans "A bout portant", son charme est vénéneux. Elle ensorcelle<br /> Reagan dans ce qui est en creux un curieux couple ; j'aime le fait que Reagan accepte avec ironie son sort à la fin du film tandis que sa femme essaie de s'en tirer. Et d'un autre côté elle est<br /> sincère sur le moment avec Cassavettes, figure mâle qui l'attire. Une garce.<br /> <br /> <br />
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F
<br /> <br /> Pourquoi je n'ai pas parlé de la relation entre les deux tueurs ? Tu veux dire cet homme d'âge mûr et ce jeunot qui dorment dans la même chambre d'hôtel ? De ce jeunot qui fait des pompes devant<br /> son collègue ? Du "vieux" qui laisse le jeune déconner sans jamais lui faire de remontrance ? De leur attitude brutale et totalement dénuée d'ambiguïté envers les femmes ? Du dégoût avec lequel<br /> le vieux bouscule Angie ?<br /> <br /> <br /> Mais parce qu'on va encore me dire que j'ai l'esprit mal tourné !!! <br /> <br /> <br /> <br />
L
<br /> Et Angie est anthologique.<br /> <br /> <br />
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F
<br /> <br /> Son meilleur rôle, en fait.<br /> <br /> <br /> <br />
L
<br /> Le Siodmark est plus lointain pour moi. Il est plus lèché, joue avec les ombres. Dans le Siegel, tout se passe en plein jour, rien n'est caché. La violence est sèche. Mais il a beaucoup moins<br /> "vieilli" que "Un sherif à New-York", oui.<br /> <br /> <br />
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L
<br /> Cet index pointé comme une arme m'a immédiatement fait penser au geste de Kevin Bacon à la fin de "Mystic river" car ce geste est troublant dans le contexte; mais tu as raison, Dino, il y a<br /> l'inoubliable scène de Bronson à la fin de Death Wish et celle de Eastwood (encore lui) dans Gran Torino. Tout n'est-il qu'un jeu ?<br /> <br /> Dans "A bout portant", le geste de Marvin se ramène à celui des deux enfants aveugles qui jouent à se tuer au début du film lorsque les deux tueurs entrent dans l'institut pour aveugles où est leur<br /> future victime. On pourrait presque dire beaucoup de choses sur ce "Home of the blind" qui ouvre le film et qui se veut peut-être allégorique. Mais il me semble que tout tourne autour du jeu dans<br /> le film, le jeu le plus trivial tournant autour de l'argent. Le jeune tueur étant assez enfantin, version enfant cruel. les quelques séances de joie sont aussi de jeu : la course de kart de<br /> Cassavettes et Dickinson, cette dernière dégageant prestement le premier de la piste... Seul Marvin dit à la fin que le jeu est terminé.<br /> <br /> Oui, pour Marvin, la quête de l'argent n'est qu'un prétexte. Il s'identifie et tout l'identifie à Cassavettes, ce type qui ne rentre pas dans ses cases : le jeu voudrait qu'il ait peur et qu'il<br /> supplie... "Un homme qui n'a pas peur de mourir est déjà mort". Métaphysiquement glacial. Brrr<br /> <br /> <br />
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D
<br /> Cet index pointé ne figure-t-il pas aussi dans le dernier plan de DEATH WISH ? Clint le réutilise également dans GRAN TORINO ("Il t'est jamais arrivé de croiser quelqu'un qu'il fallait pas emmerder<br /> ?")<br /> Mais qui rend hommage à qui ?<br /> Plus sérieusement pour Fred et Lemmy : ne trouvez-vous pas que la mise en scène de Don Siegel est beaucoup plus "moderne" dans A BOUT PORTANT que dans POLICE SUR LA VILLE ou COOGAN'S BLUFF ? Ces<br /> deux films tournés quatre ou cinq ans plus tard m'ont paru beaucoup plus "conventionnels" que le premier.<br /> Par ailleurs, il est assez rare qu'un "remake" soit tout aussi intéressant, voire plus que la version initiale. Ce que je trouve frappant c'est que le film de Siegel soutient avantageusement la<br /> comparaison avec celui de Siodmak, en jouant sur un registre très différent, moins "romantique" et plus violent.<br /> Il est vrai qu'A BOUT PORTANT n'est pas vraiment un remake, mais une nouvelle adaptation de la même histoire...<br /> <br /> <br />
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F
<br /> <br /> Petite nuance sur l'index de Marvin par rapport aux autres cités : autant les autres ont une connotation menaçante ("Je t'aurai"), autant celui de Marvin est un retour à l'enfance, juste<br /> avant de mourir. "Pan !  T'es mort !". Et adios !<br /> <br /> <br /> Mais, en effet, le jeu est fini.<br /> <br /> <br /> Dans ses mémoires, Siegel raconte que Marvin a improvisé ce geste : il avait réellement oublié son arme au sol pendant la prise et au lieu d'arrêter, a préféré inventer ce geste de l'index.<br /> <br /> <br /> A part ça, je n'adore pas "MADIGAN" ni "COOGAN'S BLUFF" qui<br /> sont esthétiquement très moches l'un et l'autre et ont bien plus vieilli que "THE KILLERS". Je pense que Siegel était à son top<br /> quand il n'avait pas beaucoup d'argent pour tourner. Là, il devenait inventif.<br /> <br /> <br /> <br />

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