Sans être du même niveau que ses prédécesseurs, « CARNAGE » clôture bien ce qu'il convient d’appeler un tryptique Lee Marvin/polar, dans la droite lignée de « À BOUT PORTANT » et « LE POINT DE NON-RETOUR ».
Tueur conceptuel dans le premier, vengeur spectral dans le second, son Nick Devlin est un peu un mélange des deux et il est arraché à son décor urbain pour plonger dans les abysses du Kansas profond. Là, les mafieux n’ont plus de col blanc et d’attaché-case, ce sont d’horribles ploucs dégénérés, gavés jusqu'à la glotte de viande rouge, trafiquant les jeunes orphelines qu'ils vendent comme du bétail lors d’enchères privées.
« CARNAGE » est souvent choquant et ce, dès le générique-début montrant comment on transforme un homme en chair à saucisse. Littéralement ! Hélas, si l’atmosphère est excellemment rendue et plusieurs séquences laissent parfois deviner le grand film déjanté qu'il aurait pu être, « CARNAGE » souffre d’un scénario déstructuré dont tout le milieu est un long ventre mou à peu près dépourvu de péripéties. Par contre, Michael Ritchie exploite à merveille ses extérieurs, utilise tous les éléments de son décor et filme très bien Marvin, moins minéral que d’habitude, à la fois implacable et étrangement détaché. Sa relation avec la débutante Sissy Spacek, qu'il a sauvée de l’esclavage, est ce qu'il y a de plus intéressant dans le film. Car contrairement à ce que laisserait penser l’affiche, il ne s’agit pas d’un face à face saignant avec Gene Hackman, qui n’apparaît qu’assez peu dans un rôle de boucher rubicond et abject. La composition de celui-ci est néanmoins remarquable, mais hélas, anecdotique.
Même s’il n’a rien d’un chef-d’œuvre, « CARNAGE » fait parfois penser aux classiques anglais du style « LA LOI DU MILIEU » et annonce curieusement des polars à venir comme « CANICULE » (dans lequel le même Marvin se retrouve souvent dans des situations identiques) ou les films de Johnnie To.
C'est paradoxalement dans les moments hors-sujet que le film trouve sa véritable identité : lorsqu’un des hommes de Marvin tient absolument à le présenter à sa mère avant de partir en mission, où lorsque Marvin emmène une Spacek à moitié nue dîner dans un restaurant chic.
À NOTER : Hackman qui venait de sortir du tournage de « FRENCH CONNECTION », a ici sa tête mise à prix par un mafioso joué par Eddie Egan, l’ex-flic qu'il interprétait plus ou moins dans le film de William Friedkin.