C'est François Truffaut qui avait inventé l’expression « grand film malade », pour définir certaines œuvres malmenées, malformées, qui malgré de grands noms à leur générique, resteront à jamais des échecs difficilement explicables.
« L'HOMME DU KLAN » fait indubitablement partie de cette espèce. Il devait être réalisé par Samuel Fuller, qui avait signé le scénario, et s’annonçait comme le « MISSISSIPI BURNING » des seventies : un brulot confrontant dans le vieux Sud raciste, des membres du KKK et des Black Panthers, autour d’une affaire de viol aussi sordide que biaisée par la corruption ambiante.
Hélas ! Après moult conflits et réécritures, le scénario atterrit entre les mains de Terence Young, faiseur anglais sympathique mais à peu près dénué de talent, qui tourna sur les lieux même de l’action, avec un casting de rêve, comprenant à sa tête Richard Burton et Lee Marvin (deux des plus grands soiffards d’Hollywood), et… accoucha d’un nanar racoleur, vulgaire et mal fichu.
Bâclé comme un téléfilm bas-de-gamme, mal photographié, bavard à l’extrême, « L'HOMME DU KLAN » enchaîne les scènes de viol particulièrement vomitives et voyeuristes, filme platement les magouilles de notables pourris jusqu'à l’os. Seul Marvin parvient à faire quelque chose de son rôle de shérif prudent, au comportement ambigu, dont on ne saura jamais s’il fait partie du KKK, ou ferme seulement les yeux sur leurs agissements. Un personnage déplaisant, privé de toute dimension héroïque, que l’acteur joue honnêtement, sans avoir recours à son charisme habituel, quitte à ennuyer, parfois. Face à lui, Burton livide, visiblement malade (il fit un coma éthylique en plein tournage d’une séquence !), a du mal à se déplacer, rendant quasiment comique la scène où il démolit Cameron Mitchell, en quelques manchettes de karaté, à la manière de Spencer Tracy dans « UN HOMME EST PASSÉ ».
Parmi les seconds rôles, on trouve O.J. Simpson connu pour d’autres raisons depuis, Linda Evans, et David Huddleston en maire affilié au Klan, mais pas totalement idiot.
Film pénible à regarder, « L'HOMME DU KLAN » décolle enfin lors de l’attaque finale de la propriété de Burton, étonnamment bien menée. Mais c'est insuffisant et beaucoup trop tardif. Reste à rêver du thriller âpre et sans concession qu’aurait certainement tiré Fuller de cette histoire, et à revoir « MISSISSIPI BURNING » au plus vite.
Pour couronner le tout, « L'HOMME DU KLAN » circule dans diverses contrées en DVD, sous des montages différents, allant de 90 à 108 minutes !