S’il faut une raison de voir « LA PEAU D’UN AUTRE », ce sera uniquement du côté d’Ella Fitzgerald et Peggy Lee qu'il faudra chercher. Si la première apparaît le temps de deux chansons plaquées sur l’action, la seconde est tout bonnement extraordinaire en chanteuse alcoolique aux fêlures béantes. Son jeu un peu gauche, incroyablement sincère, donne son âme au film tout entier. Et sa séquence à l’asile où elle a régressé mentalement à l’âge de cinq ans, est extrêmement touchante.
Car il faut bien dire que le scénario n’est qu’un (vague) prétexte à filmer des séquences de jazz et à mettre en valeur les deux stars du 78-Tours : le leader d’un orchestre est confronté à un gangster-imprésario qui lui prend 25% de ses gains et l’oblige à trimer, quitte à abattre les musiciens récalcitrants. C'est à peu près tout pour l’histoire.
Platement mis en scène par Jack Webb, acteur célèbre pour son inébranlable inexpressivité, « LA PEAU D’UN AUTRE » (encore un titre français qui n’a strictement rien à voir avec le contenu du film !) exploite l’ambiance des « roaring twenties » avec ses ‘speakeasies’, son alcool de prohibition, sans éveiller le moindre intérêt. À peine pourra-t-on retenir un excellent dialogue ‘hard boiled’ émaillé de répliques qui tuent et une jolie photo en CinémaScope.
Dans un cast assez riche, on reconnaît la délicieuse Janet Leigh (dont on passe tout le film à se demander ce qu'elle peut bien trouver à Webb !), le récemment oscarisé Edmond O’Brien en horrible caïd, Martin Milner futur héros de la série « ROUTE 66 », la toute jeune Jayne Mansfield en ‘cigarette girl’ et le fordien Andy Devine en flic obstiné. Sans oublier Lee Marvin, excellent dans un bon rôle de clarinettiste qui sert de mauvaise conscience au héros et vient lui remonter les bretelles au moment où il en a besoin.
La vraie grande réussite du film est qu'il donne une envie pressante : réécouter les chansons de Peggy Lee !