« Quand il y a une femelle pour deux mâles, quelque chose de terrible doit forcément arriver », dit en substance un personnage secondaire.
Production mexicaine réalisée par Emilio Fernández, le futur ‘Mapache’ de « LA HORDE SAUVAGE », « LE FILET » dépouille son scénario jusqu'à revenir au squelette, néglige le dialogue (on peut facilement compter les répliques !) et ose des cadrages plus proches de la photographie d’Art que de la mise en scène cinématographique. Mais ce qui frappe surtout dans cette œuvre unique, c'est l’érotisation absolue de chaque image, du moindre mouvement, du plus discret souffle de vent, des vagues sur la grève. De séquence en séquence, le film rend palpable le désir de ses protagonistes qui monte, s’amplifie, jusqu'à devenir insupportable.
Deux hors-la-loi réfugiés sur une plage, une femme plus jeune qu’eux, sensuelle et farouche. Confrontée à ces deux hommes primitifs, la « femelle » va peu à peu choisir le mâle dominant et provoquer l’affrontement. Presque sans parler. Juste par des regards, des silences chargés, des attitudes corporelles. Fernández n’hésite jamais à aller au symbole peu subtil : il faut avoir vu un des rivaux pilonner du grain, torse nu, en sueur, tel un héros de péplum, dans un geste de va-et-vient sans la moindre équivoque, sous l’œil langoureux de la femme.
Rossana Podesta, comédienne italienne jouant ici une Mexicaine, est absolument fascinante dans ce personnage qui se prénomme d'ailleurs comme elle. Chacun de ses gros-plans est sublimé par la photo (somptueux noir & blanc !), ses seins pointent en permanence sous sa chemise blanche, devenant les vraies stars du film. Rarement actrice aura été aussi délibérément réduite à son sex appeal, son aura animale la plus élémentaire. La caméra – pour reprendre une expression tant galvaudée – semble vraiment amoureuse d'elle.
« LE FILET » est une belle tentative d’utiliser le langage cinématographique à son plus visuel, son plus primitif. En cela, l’expérience est totalement réussie et certains cadrages biscornus semblent annoncer avec une décennie d’avance les tics du ‘spaghetti western’. À voir, incontestablement. Ne serait-ce que pour… Enfin, vous m’avez compris.