Une ‘bad girl’ au passé sulfureux, mal mariée à un homme plus âgé qu'elle, qui prend un jeune amant et pousse celui-ci au meurtre, c'est un standard du ‘film noir’. S’inspirant de « LA BÊTE HUMAINE » de Zola, déjà adapté en France par Jean Renoir, Fritz Lang signe avec « DÉSIRS HUMAINS » un superbe fleuron du genre.
Ses personnages sont des archétypes à la personnalité à peine esquissée. Simples et bruts, ils sont mus par leur sensualité et leur passion, leurs désirs immédiats. Bien sûr, Hollywood est passé par là et la conclusion sera moins jusqu'auboutiste que prévu, mais le film dégage une noirceur profonde, une violence suffocante. Broderick Crawford est parfaitement casté dans le rôle du mari, une « bête » assommée d’alcool, obéissant à ses pulsions criminelles sans l’ombre d’une résistance. Avec ses traits bouffis, luisants de sueur, son regard dément, son aspect sanguin, l’acteur fait réellement peur, sans jamais banaliser son rôle en un simple épouvantail.
Lang a réuni ses stars de « RÈGLEMENT DE COMPTES », un an plus tôt : Gloria Grahame et Glenn Ford, comme pour qu'ils aboutissent une relation à peine entamée dans le chef-d’œuvre de ’53. Elle au sommet de son érotisme vulgaire et intoxicant, mi-femme battue, mi-mante religieuse, qui crève l’écran, préservant sa foncière ambiguïté jusqu'au bout. Lui, en brave type déboussolé, si facile à manipuler.
La mise en scène fluide panache des plans quasi-documentaires sur la vie des employés des chemins de fer à de magnifiques ellipses symboliques. Comme ce fondu-enchaîné liant un plan de Glenn Ford suivant Grahame des yeux et un plan de la chaudière où Crawford brûle les preuves de son crime. Comme si le feu de la passion consumait déjà le cœur du jeune homme. Ou peut-être une prémonition des feux de l’enfer.