Inspiré du roman de Zola, « LA BÊTE HUMAINE » est un film sombre et hanté par les plus noirs démons de l'homme. Une œuvre apparemment simple, décrivant de « petites gens » rongés par des passions plus grandes qu’eux et finalement anéantis par la folie.
C'est l’éternelle histoire d’une femme trop jeune qui pousse son amant à tuer son vieux mari encombrant, une trame qui servit bien souvent dans le ‘film noir’. Mais ici, l’amant est joué par Jean Gabin, un maniaco-dépressif aux pulsions homicides, obsédé par son hérédité d’alcooliques (Jacques Lantier est le fils de ‘Gervaise’ !) et qui s’avère être une bombe à retardement.
Jean Renoir prend soin de décrire minutieusement l’univers ferroviaire dans lequel évoluent ses personnages, pour les ancrer dans un réel bien concret. Aujourd'hui, certaines images ont valeur de document.
Le film est porté par Gabin, que son regard perdu et ses humeurs changeantes placent dans la lignée de ses rôles de ‘losers’ tragiques des années 30, la démence en plus. Il parvient à être par moments franchement dérangeant. Face à lui, en femme fatale un peu ‘cheap’, Simone Simon est exceptionnelle : commune et intoxicante, vulgaire et touchante, tiraillée entre un mari brutal et maladivement jaloux et un amant psychopathe. Quatre ans avant « LA FÉLINE » qui fera sa gloire, le film paraît prémonitoire : lors de sa première apparition dans « LA BÊTE HUMAINE », l’actrice porte un chat dans les bras. Et Carette dit d'elle lors d’une séquence : « Ces femmes-là c'est comme les chattes, ça aime pas se mouiller les pattes ». Coïncidence ou Jacques Tourneur a-t-il pensé à elle pour son film à cause de ces images ?
Si la direction d’acteurs peut parfois déconcerter et si les plans de locomotives en marche semblent un peu longuets, le film n’en demeure pas moins tout à fait intense et violent, plongeant sans faux-semblants dans ce que l’âme humaine peut avoir de plus noir.