Les miracles, même petits, en matière d’adaptation théâtrales et de coproductions multinationales sont suffisamment rares pour saluer avec reconnaissance des réussites comme « CARNAGE », dont – avouons-le – on n’attendait pas grand-chose.
Tiré d’une pièce de Yasmina Reza, tourné en studio et en décor unique en France, ce huis clos confronte deux couples new-yorkais autour de la bagarre qui a opposé leurs garçons de onze ans. Ce qui démarre en face à face policé et civilisé entre personnes intelligentes et raisonnables, dégénère progressivement en bataille rangée. De quoi parle le texte exactement ? De mariage ? De machisme ? De snobisme ? De l’impossible entente entre les hommes et les femmes ? Il parle surtout de l’extrême minceur de notre vernis de civilisation et de la facilité avec laquelle on retombe dans nos pires instincts.
Si on ne retrouve pas le Polanski des grandes années, celui de « ROSEMARY’S BABY » ou « CHINATOWN », on se contente – et c'est déjà bien – de celui de « LA JEUNE FILLE ET LA MORT » : maîtrise de l’espace, direction d’acteurs au cordeau, mise en scène rigoureuse et invisible au service du thème. De fait, « CARNAGE » est un film de comédiens et ceux-ci sont tous au sommet de leur art : Jodie Foster, sèche, anguleuse, à fleur de peau, est tellement à cran et passive-agressive, qu'elle crée un authentique malaise à l’écran. Un exploit ! Son mari, un « beauf » confit dans sa médiocrité débonnaire est excellemment joué par John C. Reilly. L’autre couple n’est pas en reste : Christopher Waltz est tout bonnement fabuleux en avocat fielleux accro au portable. Chacune de ses interventions est un régal. Kate Winslet écope du personnage le moins caricatural, une snob frustrée et « au bord de la crise de nerfs », menaçant constamment d'un vomissement intempestif et dévastateur.
Court, compact, sans temps mort, « CARNAGE » vaut donc largement le coup d’œil pour qui aime les confrontations de grands acteurs et les satires sociales au vitriol. Personne n’en sort grandi, mais à bien y regarder, le miroir n’est peut-être pas aussi déformant que cela… Hélas !