« LA PEAU » avait tout pour être une sorte de film définitif sur les horreurs de la guerre, la honte des vaincus et l’abjection du guerrier entre deux champs de bataille. Dantesque, glauque jusqu'à la nausée, s’achevant en paroxysme apocalyptique (même le Vésuve en éruption se mêle à l’orgie d’horreurs !), le film est handicapé par un scénario morcelé, composé d’une succession de vignettes à peine reliées les unes aux autres et par la réalisation étonnamment académique de Liliana Cavani.
« LA PEAU » se vautre délibérément dans le vomitif : images de ventres ouverts, de tripes à l’air (même les chiens n’y coupent pas), séquences choquantes comme celle où des mères vendent leurs garçonnets à des soldats « hypersexués » (sic !), ou encore ce poisson cuit au four, ressemblant étrangement à un bébé humain. Pour finir par ce plan dont tout le monde a parlé à la sortie : celui de ce pauvre homme complètement aplati par un tank. Symbole (trop) évident de l’Italie humiliée, écrasée par ses propres alliés venus se repaître de ses pauvres vestiges.
C'est aussi fascinant que dérangeant, parfois beau et souvent écœurant. La photo est magnifique comme les décors : la villa de Malaparte à Capri est celle immortalisée par « LE MÉPRIS ». Heureusement, Marcello Mastroianni tout en élégance fatiguée fait le lien et maintient l’intérêt sur sa personne, ainsi qu’un semblant d’émotion. Sorte de narrateur-chœur antique, il déambule avec une classe innée, assistant résigné, au naufrage de son pays en décomposition. À ses côtés, quelques ‘guests’ de prestige comme Claudia Cardinale en princesse évanescente et Burt Lancaster parfait en général yankee grossier, mégalo et insensible. Les scènes où il marchande avec un mafioso des prisonniers allemands au kilo, sont totalement surréalistes.
Si « LA PEAU » est trop long, inégal, parfois confus, impossible de nier son impact immédiat et le malaise persistant sur lequel il laisse le spectateur après le mot ‘Fin’.
À NOTER : la v.o. italienne est un peu curieuse, car tout le monde parle italien même les Américains. Ce qui n’empêche pas Mastroianni de faire le traducteur, alors que tous parlent la même langue ! Très perturbant…