Sans être vraiment un bon film, ou une date dans le western, « PENDEZ-LES HAUT ET COURT » est une étape importante de la carrière de Clint Eastwood, et une charnière très adroitement conçue entre sa notoriété européenne et un possible vedettariat américain. De fait, l’acteur a sciemment ressorti du placard sa vieille image de « RAWHIDE » en commençant le film comme un charmant éleveur pacifique, menant son troupeau, et tue littéralement Rowdy Yates en le faisant lyncher d’office par une bande de justiciers du dimanche. À partir de là, Eastwood renaît de ses cendres, et reconstruit sa mystique personnelle en transformant le gentil Jed Cooper en une sorte de mort-vivant scarifié, un zombie dont se sert le juge pour faire régner un semblant de justice dans l'Ouest en proie au chaos.
Cooper (le nom n’est probablement pas dû au hasard, vu que Gary Cooper a toujours été l’idole d’Eastwood), le visage fermé, l’ombre du stetson cachant ses yeux, apparaît alors comme l’ancêtre embryonnaire des spectres de « L'HOMME DES HAUTES PLAINES » ou « PALE RIDER », et la problématique de la vengeance individuelle confrontée aux lois parfois discutables, sera bien souvent développée dans la série des « DIRTY HARRY ». Le personnage que joue Inger Stevens, cette femme obsédée par la mort de son mari, n’est d'ailleurs pas sans ressembler à celui de Sondra Locke dans « SUDDEN IMPACT ».
Réalisé par le téléaste Ted Post, mais manifestement contrôlé par sa vedette, « PENDEZ-LES HAUT ET COURT » déborde de messages subliminaux, volontaires ou pas : Ben Johnson, vétéran du western depuis les années 40, apparaît d’abord comme le héros du film, pour disparaître aussitôt, laissant la place à Eastwood. Ce qui ne l’empêche pas d’avoir le temps de descendre Dennis Hopper, bientôt consacré par « EASY RIDER », et représentant de la « génération LSD ». Hopper a juste le temps de faire un hallucinant numéro de folie furieuse, avant de mourir d’une balle dans le dos. Le message est clair !
Le film a techniquement beaucoup vieilli et ce style hétéroclite mêlant le look téléfilm des années 60, aux tics du western italien n’est pas toujours du meilleur goût. Certaines séquences sont très approximatives, comme cette bagarre dans le sable entre Eastwood et Bruce Dern, où ce dernier est barbu ou glabre d’un cadrage à l’autre. L’effet est franchement comique.
Mais malgré ses évidents défauts, son opportunisme peu discret, « PENDEZ-LES HAUT ET COURT » vaut encore le coup d’œil, pour son casting remarquable : Pat Hingle en juge implacable, L.Q. Jones, Ed Begley, et pas mal d’autres visages familiers du genre, pour la BO de Dominic Frontiere, et ces images frappantes des pendaisons « de groupe », qui servent de spectacle pour la population en mal de distraction. Le film pose d’intéressantes questions sur la justice (vaut-il mieux une loi expéditive et parfois injuste, que l’anarchie ?) et installe Clint Eastwood comme nouvelle icône d’un western en pleine mutation. Car de Gary Cooper, ce personnage n’a que le nom de famille : froid, inhumain, calciné de l’intérieur, c'est une machine à tuer au service de la loi. Une petite révolution dans le Far West made in U.S.A. !