À ses débuts, Ernest Borgnine avait pour fâcheuse habitude de se faire systématiquement casser la figure par les stars de ses films, qui le faisaient ensuite passer à travers la porte des saloons. C'est ainsi qu’en deux ans, « Ernie » subit ce funeste sort de la part de Sterling Hayden (« JOHNNY GUITARE »), Spencer Tracy (« UN HOMME EST PASSÉ ») et Gary Cooper (« VERA CRUZ ») ! L’Oscar qu'il obtint en ’55 pour son rôle de vieux garçon sensible dans « MARTY » vient heureusement améliorer le quotidien.
Borgnine est un ex-marine, arrivé tard dans le métier, avec le handicap d’un physique inhabituel de gros garçon rieur, au visage de batracien, capable de virer en une fraction de seconde à la pure menace bestiale. La sympathie naturelle de l'homme l’a souvent dirigé vers la comédie, voire le cabotinage, mais Borgnine a créé quelques personnages de western magnifiques.
« LES MASSACREURS DU KANSAS » lui fait rencontrer Lee Marvin, qui deviendra son meilleur ami. C'est un film en 3-D et Ernie passe le film à tirer sur l’objectif de la caméra. Il est shérif dans « À L’OMBRE DES POTENCES », se bat à nouveau avec Sterling Hayden dans « QUAND LE CLAIRON SONNERA », mais au couteau cette fois. Il joue un fermier jovial mais férocement jaloux d’une femme trop belle pour lui dans « L'HOMME DE NULLE PART », sorte de « Othello » du Far West.
Dans les années 60, Borgnine apparaît dans plusieurs épisodes de la série « LA GRANDE CARAVANE », dans des rôles différents. Dans « CHUKA LE REDOUTABLE » (fabuleux titre français !), il est un sergent de cavalerie dévoué à son capitaine, et il trouve peut-être le rôle de sa vie dans « LA HORDE SAUVAGE », celui de Dutch Engstrom, un des gringos de la bande de William Holden, perdus dans un monde qui a évolué sans eux. Quand à la fin, son ami lui dit « Let’s go ! », pour une dernière action-suicide, le sourire de Borgnine est tout simplement indescriptible : il accueille la mort comme un gamin, la promesse d’une friandise !
« LES 4 DESPERADOS » est un « spaghetti » sans éclat, lui offrant un rôle de riche ranchero détestable, « UN COLT POUR 3 SALOPARDS », mêle son humour débridé à une méchanceté totale, « LA POURSUITE SAUVAGE » lui fait retrouver Holden, mais hélas, pas Peckinpah.
À la TV, il joue un raciste s’associant à Sammy Davis, Jr. le temps d’une poursuite dans « THE TRACKERS », puis apparaît en gentil montagnard dans « LA PETITE MAISON DANS LA PRAIRIE ». Il apparaît même en shérif paralysé dans le western français « BLUEBERRY – L’EXPÉRIENCE SECRÈTE », à l’âge respectable de 87 ans.
En 2009, Ernie qui a toujours bon pied, bon œil, publie ses mémoires intitulées « Je ne voulais pas mettre le monde à feu et à sang, juste garder mes burnes au chaud ». Sage philosophie, qui l’a mené jusque là.