« MORT D’UN COMMIS VOYAGEUR », la pièce d’Arthur Miller, a connu deux adaptations au cinéma : la version avec Fredric March, et celle plus récente avec Dustin Hoffman. Mais aucune n’a su restituer avec autant de puissance et d’âpreté, l’infinie désespérance de l’œuvre d’origine, que cette version tournée pour la CBS.
Lee J. Cobb et Mildred Dunnock y reprennent les rôles qu'ils créèrent au théâtre, et la mise en scène est un mélange de captation, de téléfilm, parvenant à réinventer la sensation d’être en direct, par l’ingéniosité des décors (transparences, parois qui s’effacent sans même qu’on s’en rende compte), et des liaisons entre les actes. Le texte, traitant de l’échec d’une vie, de mythomanie, des années qui passent trop vite et nous laissent sur le carreau, est extrêmement déprimant, et ne laisse aucune place à l’espoir. La seule victoire que peut espérer le fils aîné à la fin, est d’accepter de voir en face ce qu'il est réellement : un raté velléitaire.
S’il faut voir ce téléfilm, ce sera surtout pour la performance époustouflante de Lee J. Cobb dans le rôle de sa vie : son Willy Loman, vieux VRP ringard, dépassé, laissé-pour-compte, sombrant progressivement dans la folie, perdant pied entre passé, présent et fantasmes, est d’une densité humaine poignante. Souvent excessif, Cobb est ici d’une justesse terrible, occupant l’espace avec une dérisoire fureur, qui confine au pathétique. Immense numéro d’acteur.
À ses côtés, George Segal est remarquable dans le rôle du fils trop et mal aimé, devenu un loser kleptomane sans avenir, et le jeune Gene Wilder apparaît en premier de la classe. On reconnaît Karen Steele, l’actrice-fétiche de Budd Boetticher, l’espace de dix secondes, dans une scène de restaurant.
Le film est sorti aux U.S.A. dans la collection « HERITAGE THEATRE » sans aucun sous-titre, et mériterait une sortie française, au même titre que d’autres œuvres de la même série.