Quatre ans après « LES 7 MERCENAIRES », deux ans avant « LES PROFESSIONNELS », « RIO CONCHOS » apparaît aujourd'hui comme le chaînon manquant entre les deux films. Là encore, quelques aventuriers disparates s’associent de plus ou moins bon cœur et partent en mission-suicide au Mexique. Le prétexte (un ex-officier sudiste montant une armée composée d’Apaches armés jusqu'aux dents) n’a que peu d’importance : seul compte vraiment le trajet et l’évolution des relations entre personnages.
Dès la première séquence, assez choquante, celui qui est censé être le héros du film abat plusieurs Indiens venus pacifiquement enterrer un des leurs. Bien sûr, on avait déjà vu des protagonistes violemment racistes dans le western, ne serait-ce que John Wayne dans « LA PRISONNIÈRE DU DÉSERT », mais Ethan Edwards gardait une dimension héroïque grâce à la seule présence de la star. Richard Boone ne dégage pas du tout la même chose. Lassiter est un homme détruit, amer et haineux qui ne supporte pas qu’un Indien parvienne à le décrypter en quelques secondes : « Tu es pareil que moi. Dans ton cœur, il n’y a que la haine. L’envie de tuer et de mourir ». C'est probablement cette absence totale de héros positif qui a empêché « RIO CONCHOS » d’être aussi populaire que les deux œuvres citées plus haut : le capitaine Stuart Whitman n’a aucune personnalité, son sergent noir Jim Brown n’est pas suffisamment développé pour devenir attachant et le Mexicain (sur)joué par Tony Franciosa est une planche pourrie. Ne parlons même pas d’Edmond O’Brien, plus gâteux que véritablement nocif.
Gordon Douglas a habillé ses personnages du même ton ocre-brun que les rochers, les fondant littéralement au paysage et ne cède jamais au sentimentalisme hollywoodien : si un bébé est sauvé in extremis, il succombera quelques heures après, ce que n’aurait jamais permis John Ford. La bataille finale, dans cette caricature de plantation sudiste perdue au milieu de nulle part, finit dans le désordre et la confusion. On ne voit même pas mourir les acteurs principaux !
« RIO CONCHOS » est un drôle de western, curieusement froid et désincarné, à l’image de son antihéros Richard Boone, mort-vivant torché de whisky, ne rêvant qu’à la balle libératrice qui lui fera retrouver sa famille massacrée.
À NOTER : la belle copie 16/9 éditée en zone 2, même si le réalisateur se voit rebaptisé Douglas Gordon sur la jaquette !