« MILAN, CALIBRE 9 » est certainement le chef-d’œuvre de Fernando di Leo, qui parvient miraculeusement à s’arracher au bourbier de la série Z, pour signer un polar milanais à la fois putassier et efficace, grossier et malin, constamment passionnant et peuplé de personnages à facettes.
L’influence de Melville se fait ressentir dès les premières séquences et Gastone Moschin calque son jeu sur celui de Lino Ventura, jusqu'à la façon d’allumer ses clopes. Massif, impassible, marqué par la vie, ce malfrat sortant de prison se retrouve avec tout le monde sur le dos : ses ex-complices persuadés qu'il a caché 300.000 $ et les flics. Mais ‘Ugo’ est rusé et saura manœuvrer avec un machiavélisme consommé pour forcer ces braves gens à s’entretuer. Jusqu'à ce qu'il trouve encore pire que lui. Jusque là, il aura trompé la terre entière : le spectateur inclus !
Di Leo disserte sur la fin de la mafia de ses aïeux remplacée par des gangs sans foi ni loi, il renvoie dos à dos tous les flics, qu'ils soient réacs et bornés ou de gauche et progressistes : ils sont tous inopérants. Le seul personnage qui semble trouver grâce à ses yeux est le tueur ‘Chino’ (Philippe Leroy), flingueur à l’ancienne, ultra-réglo.
« MILAN, CALIBRE 9 » est profondément ancré dans ses racines culturelles et dans son époque. C'est un film très singulier qui aurait pu devenir un vrai classique avec un peu plus de rigueur dans la mise en scène et un traitement plus sobre de la violence. Les personnages sont bien croqués. On reconnaît avec plaisir des trognes venues du ‘spaghetti western’ : Frank Wolff et Luigi Pistilli en flics antagonistes, Lionel Stander en parrain sans pitié. Et Mario Adorf, plus cabotin que jamais en homme de main sadique et suant de vulgarité.
Au fil des ans, ce polar s’est acquis une belle réputation de perle sous-évaluée. Il est agréable de confirmer qu'il ne l’a pas volée.