John Sturges n’était pas encore très connu quand il a tourné « LE PEUPLE ACCUSE O’HARA », mais son film est d’une impressionnante maîtrise technique, que ce soit dans le rythme ou l’alternance de séquences filmées en extérieurs à New York avec celles faites en studio.
Photographié à la manière d’un ‘film noir’ (ce qu'il n’est pas tout à fait), c'est un polar sec et nerveux, mettant en scène un avocat alcoolique et has-been, qui va jusqu'au bout de lui-même pour sauver un jeune docker piégé dans une affaire de meurtre. Sturges a grandement bénéficié de la présence de Spencer Tracy, qui apporte son incroyable naturel et son humanité douloureuse à ce personnage qu'il arrache constamment au cliché. Il faut dire que l’acteur n’était – paraît-il – pas étranger aux tourments de son rôle !
C'est donc bien davantage le parcours d’un homme qui passionne ici, que l’enquête somme tout banale et sans surprise. Tracy est tout bonnement parfait, d’une finesse toujours surprenante. Son entente avec le réalisateur mènera les deux hommes à retravailler ensemble, notamment pour le chef-d’œuvre « UN HOMME EST PASSÉ » quatre ans plus tard. La star est très bien entourée : James Arness incarne l’accusé à tort avec ferveur, John Hodiak excelle en procureur pur et dur, Yvette Duguay est la trop jeune femme d’un vieux gangster et on reconnaît quelques « tronches » de l’époque tels que Jay C. Flippen, Emile Meyer et deux débutants nommés Richard Anderson et dans son second film, Charles Bronson qui apparaît dans une séquence en frère du meurtrier. Il mange sa soupe en famille et traite son frangin de « Crétin, tête de con », avant de se faire rembarrer par sa môman. Mais celui qui sort vraiment du lot est William Campbell absolument odieux en voyou de tête-à-claques qui dame le pion à Tracy pendant le procès.
Sans être un grand film, à cause d’un scénario trop anecdotique, « LE PEUPLE ACCUSE O’HARA » n’en demeure pas moins un bon film d’atmosphère, très beau à regarder et un des bons rôles de l’âge mûr de Tracy.