« EN QUATRIÈME VITESSE » fait partie de ces films disséqués et commentés, épluchés, depuis des décennies mais qui – à l’instar de « LA SOIF DU MAL » par exemple – continuent de préserver leur part de mystère et leur influence sur le 7ème Art. Ce n’est pourtant que l’adaptation d’un roman de gare de Mickey Spillane, un polar à petit budget tourné en noir & blanc et sans la moindre vedette à l’horizon. Mais c'est Robert Aldrich qui est aux commandes, celui des débuts, le virulent, le furieux, le sans-tabou qui explose le genre où il a choisi d’évoluer pour le transcender en autre chose.
Ce condensé de ‘film noir’ semble évoluer au fil de la plume, en suivant pas à pas l’enquête quasi-abstraite d’un privé qui va de suspect en témoin, d’un coin de la ville à l’autre en cherchant des indices sur… on ne sait quoi. Jusqu'à la découverte d’une boîte en plomb contenant peut-être une bombe atomique ou qui est peut-être aussi la porte menant droit aux enfers. Car la hantise de l’après-Hiroshima plane sur tout le film et finit par le dévorer tout entier : scénario, personnages, décors, et pour finir le monde entier. Car Aldrich ne fait pas les choses à moitié !
Étonnant « héros » que Mike Hammer. Sous les traits mâles mais étrangement dénués de caractère de Ralph Meeker, c'est une brute épaisse inculte et narcissique, qui baffe les suspects récalcitrants, sourit en brisant un poignet dans un tiroir et connaît des trucs tellement horribles pour tuer un homme, que cela se passe hors du champ de la caméra et laisse ses victimes littéralement défigurées par la frayeur. Bien avant l’arrivée des antihéros au cinéma, Hammer apparaît comme un signe avant-coureur de l'homme du 21ème siècle, un égoïste amoral et fétichiste. La preuve ? Il possède le premier répondeur automatique jamais vu dans un film !
Comme souvent chez Aldrich, les seconds rôles sont triés sur le volet. On retrouve avec plaisir Jack Elam, Jack Lambert, Strother Martin ou Nick Dennis (« Va-va-voom ! 3-D pow ! »). Mais ce sont les dames qui épatent le plus : leur physique est aussi moderne que leur façon de jouer. Tout particulièrement Gaby Rodgers au regard complètement ‘stoned’, à la diction décalée, délibérément fausse.
Depuis son célébrissime générique-début passant à l’envers, jusqu'à son final apocalyptique, en passant par ses répliques ‘hard boiled’ et parfois presque poétiques, « EN QUATRIÈME VITESSE » est un film expérimental habilement déguisé en série B policière, une explosion d’inventivité et de culot qui aujourd'hui encore, laisse pantois.