Au travers d’une enquête criminelle traditionnelle impliquant des notables, des politiciens, « LE COMMISSAIRE » est surtout le portrait doux-amer d’un petit flic ambitieux, dont le principal intérêt – et pas des moindres – est d’être incarné par Alberto Sordi.
Besogneux, imbu de lui-même, sentencieux et pétri d’assurance, le « commissaire » n’en est pas moins doté d’un certain flair et d’une intégrité à toute épreuve. Mais cette foncière honnêteté confine à la naïveté, quand il se confronte à une corruption tellement profonde et généralisée, qu’on peine à en voir le fond. Avec sa bonne tête bovine, sa coiffure insensée, ses gros sourcils, Sordi s’est fait une tête extraordinaire. S’il commence le film en personnage de pure comédie, le propos se transforme peu à peu en la « tragédie d’un homme ridicule » (pour paraphraser un autre classique italien) et le bon gros aux belles chaussures vernies finira en SDF indigent, pour avoir été jusqu'au bout de lui-même : il sacrifie sa carrière dans la police pour innocenter un homme qu'il méprise. Mais nous sommes chez Comencini et dans un scénario signé Age-Scarpelli, aussi l’héroïsme n’est-il pas vraiment de mise. La fin verra notre ex-commissaire devenu un homme-sandwich, toujours aussi arrogant et auto-satisfait.
Entre polar et étude de caractère, satire politique et comédie, « LE COMMISSAIRE » est une œuvre délectable et parfaitement rythmée, dont le moindre rôle est idéalement casté, à commencer par Franca Tamantini, jouant la fiancée de Sordi. Quand son père, médusé par la vision de ce futur et minable gendre demande à sa fille si elle l’aime vraiment, celle-ci répond : « Bien sûr, papa ! ». Et puis ajoute lucidement : « J'ai trente ans ». Tout le cinéma italien qu’on aime – drôle, cruel, pathétique – en deux répliques !