Récemment débarqué du tournage de « SPARTACUS » par Kirk Douglas, le réalisateur Anthony Mann s’est rattrapé avec « LE CID », une production Bronston tournée en Espagne, avec des moyens considérables. Tourné dans la foulée de « BEN-HUR » ou des « VIKINGS », cet hyper-grand spectacle manque d’un indéfinissable petit quelque chose pour les égaler.
Pourtant, tout semble y être, même Charlton Heston ! Mais il n’est pas toujours aisé de remplir trois heures de projection. Et le destin de ce noble espagnol qui s’allie avec les Maures, quitte à passer pour un traître, tue – tel un Hamlet – le père de sa promise et donne sa vie pour un roi minable et indigne, ne parvient pas à toucher vraiment. Car malgré de longues explications sur-dialoguées, des discours lyriques, on a un peu de mal à comprendre les motivations profondes du gaillard. Alors, parce que c'est Heston, on le suit dans son exil, on s’afflige quand Chimène lui fait la gueule, on se réjouit quand il passe ENFIN sa première nuit avec elle (d’autant que c'est Sophia Loren !) et on s’incline quand il part au combat déjà mort, attaché sur sa selle. Mais inexplicablement et pour être honnête… On s’en fiche !
La mise en scène est ample, la figuration bien dirigée, mais les décors font trop souvent carton-pâte et la BO de Miklós Rósza aurait tendance à filer la migraine au bout d’un moment. Sans compter un net déséquilibre dans la construction du scénario et/ou du montage, qui fait s’éterniser des séquences de batailles soporifiques et bâcle en de frustrantes ellipses des moments qu’on aurait aimé voir développés.
Heston est comme un poisson dans l’eau, portant avec panache les armures et les postiches. Loren passe tout le film avec la larme à l’œil et en fait beaucoup dans le mélodrame emphatique. On ne peut pas dire que leur couple génère une folle sensualité. Seule surnage vraiment Geneviève Page, excellente en princesse dépravée et manipulatrice, véritable vipère en robe de soie. Herbert Lom joue bien sûr les fourbes envahisseurs basanés.
La richesse du CinémaScope, des paysages et des mouvements de foule permettent de suivre « LE CID » jusqu'au bout, mais il n’en restera pas moins le vilain petit canard de cette série de films d’époque de la fin des fifties et du début des sixties, sans qu’on puisse tout à fait s’expliquer pourquoi.