S’il est un ‘spaghetti western’ qui transcende le genre d’où il est issu, c'est bien « EL CHUNCHO ». En un peu plus de deux heures, Damiano Damiani parvient à concentrer un nombre inimaginable de thématiques, à tisser des relations infiniment complexes entre ses protagonistes et à déguiser avec une maestria inouïe ce qui est une œuvre profondément politique, en un film d’aventures tonitruant et flamboyant.
Le principal attrait du magnifique scénario est la rencontre entre un mercenaire américain venu pour un « contrat » et un hors-la-loi mexicain qui fournit des armes à la révolution pour de l’argent. Si le ‘gringo’ est froid, calculateur et quasi-inhumain, le ‘chicano’ est rabelaisien, jouisseur et haut-en-couleurs. Ça n’empêche pas les deux hommes de se retrouver sur un point essentiel : ils travaillent uniquement pour l’argent. Une espèce d’amitié naît entre eux, une véritable affection qui trouble le fruste Chuncho et devient un talon d’Achille pour l’assassin professionnel. C'est en poussant le Mexicain à trahir les siens, à devenir riche sur le dos des malheureux, en affichant son mépris absolu pour toute idéologie, que le mercenaire fera naître bien malgré lui, quelque chose chez son compañero, qui ressemble vaguement à une conscience politique.
Porté par une maîtrise exceptionnelle du format Scope, par une BO enthousiasmante d’Ennio Morricone et surtout par la composition époustouflante de Gian Maria Volonte’, « EL CHUNCHO » semble s’être bonifié avec les années. L’acteur italien, dans la foulée de ses rôles chez Leone, est en surjeu permanent, à la limite de la surchauffe. Enfantin, paillard, monstrueux, touchant, il bouffe tout et tout le monde autour de lui avec une voracité que n’a pu atteindre parfois qu’un Anthony Quinn. Face à lui, son exact contraire, Lou Castel le ‘niño’, un flingueur glacial et désincarné, au visage poupin, aux manières policées et au regard mort. Martine Beswick est une formidable passionaria et Klaus Kinski – malgré sa seconde place au générique – n’a qu’un rôle peu présent, mais très frappant de moine-guerrier illuminé.
Aussi bien écrit que filmé, « EL CHUNCHO » comme pas mal de classiques du western, est une œuvre éternellement inachevée, puisqu’il en existe à ce jour trois montages : l’Italien, le plus complet, l’international plus court d’un quart d’heure et l’américain encore raccourci de quelques minutes. Le Blu-ray récemment sorti aux U.S.A. propose les deux dernières versions.
Certains chefs-d’œuvre heureusement, ne pâtissent pas des outrages qu'ils subissent. Et « EL CHUNCHO » est un pur et authentique chef-d’œuvre.