Sam Fuller, on l’aime pour son énergie forcenée, ses scénarios tout d’un bloc, ses dialogues à l’emporte-pièce sortis tout droit d’une ‘pulp fiction’, pour ses personnages porte-drapeaux aux noms improbables. Mais toutes ses qualités peuvent parfois se transformer en défauts. Il n’en faut pas beaucoup, comme le prouve « CHINA GATE » un film « dédié à la France » !
Dans le Vietnam de l’ère « française », un groupe de mercenaires doit faire péter un dépôt d’explosifs détenus par les « rouges ». Ils sont menés par une prostituée eurasienne qui eut jadis un enfant avec le leader du bataillon, un officier raciste qui a pris les jambes à son cou en découvrant que son fils avait l’air 100% chinois.
Le scénario est une hallucinante accumulation de coïncidences absurdes, de clichés risibles, de personnages stupéfiants. Que dire du soldat noir, vétéran de la WW2 (il fut même dans la « Big Red One », comme nous l’indique le dialogue !), qui chante de belles ballades (normal, c'est Nat ‘King’Cole), donne des leçons de morale et ne rêve que de tuer tous les communistes ? Rien, à part rire de bon cœur. Comme devant la prestation affreuse de Gene Barry, ridicule en ‘tough guy’ sans pitié et en voyant le caméo de ce pauvre Dalio, jouant un curé unijambiste. C'est Angie Dickinson qui joue l’eurasienne. Affirmer qu'elle est crédible serait peut-être beaucoup dire, mais elle est juste et rigoureuse dans son jeu, surtout dans ses scènes avec la seule bonne surprise du film : Lee Van Cleef. Apparaissant seulement dans la dernière demi-heure, celui-ci joue un officier chinois amoureux de la belle ‘Lucky Legs’ (sic !), un homme intelligent et sensible, parlant un langage châtié et qui paiera d'ailleurs cher son comportement civilisé. C'est un des rôles les plus subtils et intéressants qu’ait joué Van Cleef au cinéma dans sa période américaine.
« CHINA GATE » est à voir pour le complétiste de l’œuvre de Fuller, même si celui-ci ne s’est pas foulé : interminables plans-séquences, décors de jungle en studio, transparences dures à avaler, plans d’actu mal intégrés, etc. Sans parler de séquences « comiques » abominables comme celle où un ancien gendarme français surnommé ‘Pigalle’ raconte ses souvenirs d’agent de la circulation avec bruit de klaxons dans la bande-son !
Mais enfin… C'est l’unique occasion de voir Angie et Lee jouant des Asiatiques ! Et ça, ça n’a pas de prix.