Aujourd'hui reconnu pour ses activités de producteur spécialisé dans le « low cost » et pour ses adaptations d’Edgar Poe, Roger Corman a également signé quelques bios de gangsters célèbres dans les années 50 et 60, parmi lesquels Al Capone et Ma Baker. « MITRAILLETTE KELLY », tourné en 1958 est probablement son meilleur film en tant que réalisateur et il est entré dans les classiques du polar, malgré un budget misérable et un tournage d’une huitaine de jours.
George R. Kelly a réellement existé (petite photo), et a défrayé les chroniques criminelles pendant la Grande Dépression. L’individu n’avait rien de glorieux : superstitieux, pleutre, manipulé par sa fiancée, il s’est essayé au kidnapping d’enfant avant de se rendre lâchement, sans opposer de résistance.
Corman envisagea d’offrir le rôle à des seconds couteaux de son « écurie », avant de choisir Charles Bronson. Alors à peu près inconnu du grand public, celui-ci tenait le premier rôle de séries B, et trouva l’occasion d’un contremploi, et aussi d’un des meilleurs rôles de sa carrière. Pour qui ne l’a connu qu’en justicier implacable, le choc est total : malgré son surnom « flashy », Kelly est un minable, une petite frappe sournoise et influençable, qui se pétrifie à la vue d’un cercueil ou même d’un tatouage en forme de tête de mort. Il ne fanfaronne que sa sulfateuse à la main, mais se montre incapable de prendre des décisions. Quand sa « girl friend » tire sur les flics à la fin du film, il reste planqué contre un mur et pleurniche : « Faut-il vraiment répandre ses tripes partout, pour prouver qu’on en a ? ».
Le rôle est pour le moins inhabituel, et le choix de Bronson le rend encore plus stupéfiant. Le front bas, la lippe molle, l’acteur compose plus qu'il ne l’a jamais fait, modifiant jusqu'à son intonation de voix. Face à lui, Susan Cabot est excellente dans le rôle de Flo, la mante religieuse, et des seconds rôles comme Jack Lambert ou Frank DeKova occupent l’espace de leurs « gueules » insensées.
« MITRAILLETTE KELLY » est un petit film survolté, sec comme un coup de trique, qui ne cherche pas du tout à dépeindre les gangsters comme des monstres « bigger than life » à la façon du James Cagney de « L’ENFER EST À LUI », mais comme de pauvres types sans cervelle, des losers lancés dans des épopées dérisoires qui les dépassent totalement. Une vision qu'on devine très proche de la réalité...
En cela, Roger Corman a tranquillement révolutionné ce sous-genre, et l’interprétation sans concession de Charles Bronson n’est pas étrangère à l’indiscutable réussite du film.