« L’EXTRAVAGANT M. DEEDS » fait partie des rares vrais classiques américains, dont l’impact n’a jamais faibli. Œuvre engendrée par la Grande Crise, fable avec le cœur à gauche, utopie christique, comédie pas si naïve qu'elle n’en a l’air, ce film de Frank Capra étonne aujourd'hui par le ton ‘hard boiled’ choisi par l’auteur, là où beaucoup auraient opté pour la guimauve sentimentale. Les personnages de Capra sont durs à cuire, pas forcément sympathiques, ils ont appris à se protéger. Même ‘Longfellow’ Deeds, le gentil provincial joueur de tuba, n’est pas un cliché sur pattes : il ne se laisse pas manœuvrer facilement, fait souvent le coup de poing et lors de son procès, révèle des trésors d’éloquence et de manipulation.
D’une crise à l’autre, le film – assez désuet dans sa forme – peut parfaitement avoir de vrais échos aujourd'hui et le personnage joué par Gary Cooper ressemble à cet « homme providentiel », ce messie moderne dont le monde à besoin, mais qu’on ne trouve que dans les (vieux) films hollywoodiens. Comme dans « L'HOMME DE LA RUE » de la même équipe, Capra n’épargne pas les médias, brosse un portrait répugnant des nantis et ne porte un regard chaleureux que sur cette foule de « petites gens » qui ont une fois encore, choisi Cooper comme porte-parole et sauveur.
Dans un casting impeccable, Jean Arthur est parfaite en opportuniste, progressivement gagnée par de vieilles valeurs oubliées et on reconnaît un tout jeune Lionel Stander, futur pilier du ‘spaghetti western’ en attaché de presse roublard.
Intéressant de voir à quel point John Wayne symbolisa une certaine Amérique jusqu'à l’incarner totalement. Et à quel point Gary Cooper symbolisa une tout autre Amérique, aussi peu réaliste, mais entièrement opposée dans son discours et ses objectifs. Un contraste qu’on retrouvera dans les scénarios si proches et si différents du « TRAIN SIFFLERA TROIS FOIS » et « RIO BRAVO ».