Inspiré du beau roman de L.P. Hartley, « LA MÉPRISE » est un chef-d’œuvre du cinéma anglais, qui malgré un prix à Cannes, est aujourd'hui pratiquement oublié. Le film vient heureusement d’être édité en DVD dans son pays d’origine, permettant à un nouveau public de le découvrir enfin.
« LA MÉPRISE » narre la rencontre entre une lady qui a sombré dans la dépression après la mort de son mari, et un chauffeur de maître.
Parce qu'elle trouve en lui une oreille attentive, elle devient familière, s’assied même à côté de lui. Grâce à cette amitié singulière, elle va de mieux en mieux, mais lui… se méprend. D’une incroyable finesse, pratiquement écrit entre les lignes, de non-dits en malentendus, ce film magnifiquement photographié, parle du fossé infranchissable entre les nantis et les prolos, de ces places qu'il faut « savoir garder », sous peine d’impardonnable transgression.
Dans le rôle du chauffeur, le fabuleux Robert Shaw donne sa meilleure prestation. Ex-militaire, boxeur, célibataire endurci, on le voit évoluer, s’enfoncer lentement dans une illusion fatale, que Shaw traduit par des gestes inachevés, une façon de sourire. Sa déclaration d’amour au passage à niveau, fait carrément peur, tant l'homme est devenu une bombe à retardement, et toute la fin du film est extraordinaire. On imagine mal un autre acteur dans ce personnage. Sarah Miles lui donne une réplique idéale, jamais mièvre ni stupide, odieuse sans même s’en rendre compte, attirante comme un fruit défendu.
« LA MÉPRISE » cristallise vraiment ce que les Britanniques savent faire de mieux : les drames feutrés, les passions réprimées, les sentiments embarrassants, le choc de mondes parallèles qui ne devraient jamais se croiser.
Maintenant que le master vidéo (excellent par ailleurs) existe quelque part, il serait de bon ton que le film sorte enfin en France, où il est invisible depuis trois décades.