Alors que sont édités en Blu-ray les grands classiques de John Huston : « LE FAUCON MALTAIS », « LE TRÉSOR DE LA SIERRA MADRE » ou « AFRICAN QUEEN », comment ne pas penser à un de ses chefs-d’œuvre les plus mal-aimés qui attend toujours une édition décente en DVD ?
« L’HONNEUR DES PRIZZI » a toujours été un film incompris, sous-évalué, même des exégètes du réalisateur, alors que chaque vision en révèle les richesses et les divers degrés de son humour abrasif. Si Coppola avait dans « LE PARRAIN » montré la mafia comme un royaume shakespearien avec un « don » digne de King Lear, Huston lui renvoie la balle avec sa vision beaucoup moins ‘glamour’ mais certainement plus proche de la réalité. La mafia décrite dans « L’HONNEUR DES PRIZZI » est un abominable panier de crabes, grouillant d’êtres avides, uniquement mus par l’appât du gain et prêts à tuer père et mère pour s’enrichir. En les voyant se trahir, s’entredévorer, s’entretuer, le titre prend tout son second degré ironique. Les Prizzi ne parlent que d’honneur et de famille mais n’ont pas la moindre idée du sens de ces mots. En réponse au « capo » mythifié de Coppola, Huston nous propose une sorte de gnome parcheminé, une momie blafarde, qui affiche un gâtisme de façade, alors qu'il n’est qu’un dangereux prédateur prêt à dévorer sa propre progéniture. Énorme prouesse d’acteur de William Hickey qui trouve là le rôle de sa vie.
Ce n’est d'ailleurs pas le seul à éblouir dans ce film : Jack Nicholson bouffi et enlaidi par des prothèses buccales, joue Charley Partanna, un ‘hitman’ abruti mais efficace qui ne parle qu’en lieux communs. Il a quelques saillies immortelles : « If Marxie’s so fuckin’smart, how come he’s so fuckin’dead ? ». Il faut l’avoir vu avec son horrible blazer jaune-canari, couver Kathleen Turner d’un regard de veau énamouré ou s’affoler quand son ex lui propose de faire l’amour sur le tapis : « Mamma mia ! ». Un très grand numéro comique. Face à lui, Anjelica Huston est également fabuleuse en « princesse » mafieuse, véritable tarentule manipulatrice. Tous les comédiens, jusqu'au plus petit rôle, ont quelque chose à défendre.
Visuellement, le film est extrêmement soigné. La photo est subtile, les idées discrètement humoristiques abondent : les allers-retours de Charley entre New York et L.A. sont ponctués de plans d’avions allant de droite à gauche, puis de gauche à droite !
Pour les scènes où le vieux « don » est entouré de ses fils eux-mêmes déjà presque des vieillards, pour l’accent savoureux de Nicholson, pour l’ambiguïté de Kathleen Turner dans un de ses meilleurs rôles, pour l’écrasante présence d’Anjelica Huston qui progressivement, se révèle comme la seule digne héritière de son affreux grand-père, pour l’utilisation savoureuse de morceaux de musique classique dans la BO, et pour d’innombrables raisons encore, « L’HONNEUR DES PRIZZI » mérite de trouver sa place dans les meilleurs Huston.
À noter que si le film est sorti un peu partout en DVD, c'est dans un antique master 4/3 qui ne lui rend guère justice. À réparer d’urgence !