Second film réalisé par Paul Newman, « DE L’INFLUENCE DES RAYONS GAMMA SUR LE COMPORTEMENT DES MARGUERITES » est l’adaptation d’une pièce de théâtre et cela se ressent par une surabondance de dialogue et par l’effacement de la mise en scène tout au service de ses actrices : Joanne Woodward, Nell Potts (respectivement épouse et fille du réalisateur) et Roberta Wallach (fille d’Eli et d'Anne Jackson).
Dès ses premières scènes, le film fait penser à ceux que John Cassavetes tourna avec Gena Rowlands. C'est le portrait impitoyable d’une maniaco-dépressive odieuse et pathétique, moulin à paroles égotique, mauvaise mère, « foldingue » moquée par tout le quartier, qui fait vivre ses deux filles dans un gourbi infâme de crasse et les embarrasse en public. Si la facture est plus soignée, la démarche des deux auteurs est la même. C'est un cinéma exigeant, parfois ingrat, entièrement focalisé sur la performance d’une grande comédienne lâchée en roue-libre. À ce jeu-là, Woodward est exceptionnelle. Sans aucune concession à l’humanité ou à l’émotion, elle tient son rôle jusqu'au bout, jusqu'à l’écœurement, jusqu'au dégoût. Le regard que portent sur leur mère les deux fillettes à la fin, est d’une terrible cruauté. Sur ce terrain, Newman se montre encore plus dur que Cassavetes qui laissait malgré tout filtrer une certaine chaleur, un embryon d’empathie pour ses « femmes sous influence ».
Le film par sa forme même, n’est pas toujours passionnant et finit même par soûler, quand la voix de crécelle ininterrompue de Woodward devient insupportable. Mais quelques plans laissent filtrer une émotion terrible : le visage de cette vieille dame muette à la merci d’une étrangère, le discours de Nell Potts sur l'estrade de son école, la scène où Roberta Wallach imite sa mère dans un sketch devant toute sa classe…
Le titre, le thème de cette mère élevant seule ses deux filles, tout laisse à imaginer une comédie dramatique lacrymale. On en est vraiment loin ! Cette œuvre âpre et sans complaisance laisse sur un vrai malaise.