Quand un film vous a marqué au fer rouge pendant des décennies sans qu’on ait eu le loisir de le revoir, il existe toujours cette hantise d’une terrible déconfiture quand on retombe enfin dessus. Pour « LES DIABLES », autant le dire tout de suite, aucune déconvenue ! Le chef-d’œuvre de Ken Russell est aussi vertigineux, traumatisant, démentiel et torrentiel qu'il l’était en 1971. Avec le recul, on peut même voir l’influence énorme qu'il a pu avoir sur un film comme « L’EXORCISTE » et donc, tous ses imitateurs.
Inspiré par l’affaire des possédées de Loudun, le film relate comment les sbires de Richelieu ont manipulé l’Église pour détruire un prêtre libertin, Grandier, qui tentait d’empêcher la destruction de sa ville. Accusé d’être un démon par une bonne-sœur hystérique, Grandier va tomber aux mains de bourreaux assoiffés de sang qui le mèneront à sa perte.
« LES DIABLES », c'est un maelström convulsif d’images choquantes, impies, nauséabondes, une descente en enfer menée tambour-battant dans les hurlements, le sang, les chairs éclatées, les vomissures et la débauche la plus vile. Jamais le style visuel déjanté de Russell n’a été en telle adéquation avec son sujet, rarement folie furieuse aura été dépeinte de façon aussi crue et contagieuse sur de la pellicule. On est donc happé, hypnotisé, littéralement cloué devant ce spectacle ahurissant, où même les fautes de goût (cabotinage outrancier des seconds rôles, abus de nudité gratuite) participent de ce carnaval grotesque et cruel. La séquence d’exorcisme de groupe des nonnes atteint des sommets et la longue, l’interminable torture de Grandier, le menant jusqu'au bûcher a de quoi hanter les cauchemars pendant longtemps.
Et quand on pense que c'est terminé, l’épilogue d’un cynisme glacial, vient clore le film sur une bonne douche froide. Le diable ? Quel diable ?
En Urbain Grandier, Oliver Reed trouve le rôle de sa vie. Il est tout simplement grandiose, d’une maîtrise plutôt rare chez lui. Son visage rasé à la fin, son corps brisé sont inoubliables. Vanessa Redgrave en nonne bossue, frustrée jusqu'à la démence, fait carrément froid dans le dos.
Plus de 40 ans après, le film n’a pas pris une ride et n’est toujours pas à mettre entre toutes les mains. Ce qui explique d'ailleurs pourquoi il vient seulement d’être édité en DVD en Angleterre, dans sa version intégrale.