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« LES VOYAGES DE SULLIVAN » est sorti la même année que « CITIZEN KANE » et comme lui, fait aujourd'hui partie des grands classiques indéboulonnables du cinéma américain. C'est pourtant un film beaucoup plus simple d’apparence, plus accessible, moins « prétentieux » dans sa forme.
Dans sa première partie, il propose un panorama de toutes les formes de comédies : verbale avec ces échanges du tac-au-tac entre Joel McCrea, réalisateur à succès à Hollywood et ses producteurs, ‘slapstick’ avec ses poursuites « tarte-à-la-crème » dignes du Muet, sentimentale avec le personnage de Veronica Lake, starlette désabusée à l’humour mordant.
McCrea rêve de tourner un film sur la misère humaine intitulé « O BROTHER ! WHERE ART THOU ? » (oui, le titre a été repris par les frères Coen en hommage), mais comprenant qu'il ne connaît rien de la pauvreté et de la galère, il décide de se mêler aux SDF et aux laissés-pour-compte de la société pour s’en faire une idée plus précise. Avec toujours cette possibilité de rentrer dans sa luxueuse propriété quand il le désire, qui désamorce tout danger et toute remise en question profonde. Jusqu'au jour où il se retrouve coupé du monde, enfermé dans un bagne épouvantable, condamné à six ans d’emprisonnement. Et là, la leçon sera aussi sévère que salutaire : aux tréfonds du désespoir, il comprendra que la seule façon de soulager la misère n’est pas de la décrire, mais de faire rire les malheureux. De retour chez lui, McCrea/Sullivan n’aura plus qu’une ambition : tourner une comédie !
Ce besoin d’anoblir un genre souvent ignoré ou méprisé, on l’avait déjà vu dans un film bien différent : « LE SCHPOUNTZ » de Pagnol. Plus ample et universel dans son propos, « LES VOYAGES DE SULLIVAN » fonctionne par son énergie interne, sa naïveté de surface, par de beaux moments de pure mise en scène (la longue séquence dans l’abri pour ‘hobos’), par le charme de Miss Lake, pin-up miniature piquante et fragile et par la présence sympathique et brouillonne de Joel McCrea dans son meilleur rôle. Preston Sturges a l’élégance de citer ses confrères Lubitsch et Capra, mais son film ne leur doit rien et possède une petite musique généreuse et singulière qui explique sa pérennité.