Robert Wise, avec le recul du temps, fut un immense réalisateur, qui toucha à tous les genres, et signa quelques classiques inaltérables, que ce soit dans le fantastique (« LA MAISON DU DIABLE ») ou le film de guerre (« LA CANONNIÈRE DU YANG-TSÉ »), sans parler des grands musicals.
Dans le domaine du western, « CIEL ROUGE » est un de ses premiers films à budget conséquent, et son titre original « BLOOD ON THE MOON », fait penser aux petits films d’horreur qu'il tourna pour se faire connaître. De fait, « CIEL ROUGE » est un drôle de western, se passant essentiellement la nuit, et filmé en puissants clair-obscurs, durcissant les visages, et transformant les extérieurs en noman’s land menaçant. C'est ainsi que l’affrontement final, autour de la cabane de Walter Brennan, évoque par instants « LES CHASSES DU COMTE ZAROFF » !
Le scénario de « CIEL ROUGE » est pourtant tout ce qu'il y a de banal, et suit un « saddle tramp », joué par un jeune Robert Mitchum, enrôlé comme mercenaire, contre un rancher. Comprenant qu'il est dans le mauvais camp, une fois de plus, Mitchum va aider ses anciens ennemis, quitte à essuyer leur méfiance. Calme, costaud, l’air un peu ailleurs, le « grand Bob » possédait déjà une sacrée personnalité, et le film lui doit beaucoup. Il assure avec professionnalisme une bagarre extrêmement réaliste pour l’époque avec Robert Preston, qui laisse les deux hommes bien abîmés, ce qui change du petit filet de sang au coin des lèvres, convention quelque peu irritante des films de cette période. Preston donc, plus connu en France pour son rôle de travesti dans « VICTOR/VICTORIA », est un convaincant salopard intelligent et manipulateur, Barbara Bel Geddes, future matriarche de « DALLAS » est amusante en sauvageonne amoureuse, et Walter Brennan commence le film en figure tragique, pour évoluer peu à peu vers son emploi habituel de vieille carne râleuse et héroïque. Chassez le naturel…
« CIEL ROUGE » pâtit d’un scénario un peu alambiqué, avec quelques digressions distractives (l’enlèvement du responsable de la réserve indienne, qui fait gravement retomber l’intérêt), mais il vaut le coup d’œil pour la « patte » de Wise, qui le tire vers tout à fait autre chose. Sous sa caméra, même les paysages chers à John Ford semblent méconnaissables !