Avec « UNE FEMME DANGEREUSE », Raoul Walsh signe non seulement un de ses meilleurs accomplissements, mais il se permet de proposer deux films en un. Nettement écrit en deux parties distinctes, il commence en drame social façon Warner, avec une description quasi-documentaire de la vie périlleuse des routiers roulant de nuit. Puis le scénario bifurque soudain en ‘film noir’ avec l’embourgeoisement de George Raft et surtout l’irruption d’Ida Lupino, une des femmes fatales les plus toxiques qu’on ait vues à l’écran.
Bien avant Glenn Close dans « LIAISON FATALE », Lupino incarne une tarentule obsessionnelle et manipulatrice, qu’on voit progressivement sombrer dans la folie dévastatrice. Ce que fait la comédienne est réellement extraordinaire et culmine avec la séquence du procès où son « pétage de plombs » devant les juges, son fou-rire hystérique font froid dans le dos. Pas sûr qu’on ait fait mieux depuis…
Le héros est campé par George Raft, comédien jamais très passionnant, qui trouve là un de ses meilleurs rôles, même s’il n’a pas le physique de l’emploi. À ses côtés, Humphrey Bogart – dans son dernier second rôle avant l’accès au vedettariat – est très bien en frangin râleur et sanguin. Dans un joli cast de second plan se détache Alan Hale, formidable en patron constamment hilare, d’une joviale vulgarité. Ses scènes avec Lupino valent leur pesant d’or.
Extrêmement bien dialogué, truffé de réparties du tac-au-tac souvent hilarantes, mené sans aucun temps mort, à peu près débarrassé de scories mélodramatiques, « UNE FEMME DANGEREUSE » est un ‘film noir’ imparable, parfaitement rond. Ida Lupino s’y affirme comme une immense comédienne. Brrrr…