Lubitsch adapte une pièce de Noël Coward et signe « SÉRÉNADE À TROIS », sorte d’aïeul primesautier du « JULES ET JIM » de Truffaut qui, près de 80 ans après sa sortie, surprend encore par son culot et son approche assez frontale d’une relation amoureuse à trois.
Car Miriam Hopkins, égérie d’un duo de copains artistes, couche successivement avec le peintre en herbe (Gary Cooper), le dramaturge (Fredric March) sans être mariée avec aucun des deux, et finit par épouser un riche et ennuyeux publicitaire qui lui faisait la cour depuis cinq ans. Pour le moins inhabituel en 1933 ! Le scénario est vif et spirituel, les bonnes répliques fusent dans des décors de studio délibérément théâtraux.
Le film dégouline de charme et d’insolence, à l’image des deux comédiens principaux : ‘Coop’ surtout est irrésistible en grand nigaud ombrageux au poing leste et à la rancune tenace. Un timing parfait pour la comédie de salon, qui ferait presque oublier qu'il était le roi des cowboys. Face à lui, March tout en retenue et en ironie, ne se laisse pas écraser. On aurait peut-être préféré une comédienne plus vive que Hopkins (une Carole Lombard, par exemple ou une Paulette Goddard), pour ce rôle crucial de femme libérée et à l’amoralité joyeuse. D’autant plus qu’on garde en mémoire le duo qu'elle formait déjà avec March deux ans plus tôt dans « DOCTEUR JEKYLL ET MR HYDE », où elle jouait la prostituée martyre et lui le criminel simiesque. Difficile de ne pas y penser quand on les voit ensemble !
« SÉRÉNADE À TROIS » est un plaisir de chaque seconde, désuet dans sa forme mais nullement dans son fond. Le film déborde de joie de vivre et traite finement d’un thème qui aurait pu être grivois en d’autres mains. C'est indéniablement une des plus belles réussites de Cooper dans le domaine de la comédie, car il semble toujours fermement dirigé.
À noter que lors de leur première rencontre dans le wagon, March, Hopkins et Cooper s’expriment dans un excellent Français (en roulant même les ‘r’ !). Car oui, comme de nombreuses comédies libertines hollywoodiennes, « SÉRÉNADE À TROIS » se passe en grande partie à Paris ! La ville aux mœurs légères comme le veut la légende, ce qui aidait probablement à mieux faire passer certains sujets, à l’époque…