À première vue, « LUCIA ET LES GOUAPES » fleure bon la série B transalpine, avec en têtes d’affiche deux vedettes de ‘spaghetti western’ et la femme du réalisateur en ‘guest star’. Et puis, grosse surprise : on s’aperçoit qu'il s’agit là d’un vrai bon film ! D'une incroyable minutie dans le détail, les décors et costumes, bénéficiant d'une belle écriture dans le dialogue, d'une véritable étude historique, le film empoigne dès son générique dans les rues de Naples, pour ne plus lâcher. Certaines séquences, comme le meurtre du « crieur » sont dignes d'un grand réalisateur. On peut le voir comme un cours d’Histoire et un prélude à tous les classiques du film de mafia.
Le mélange d'acteurs professionnels et d'amateurs aux tronches taillées dans le roc est efficace et l'atterrissage final dans l'Italie moderne, d'une belle efficacité dramatique. Si Fabio Testi et Franco Nero ont rarement été aussi bons et impliqués, le premier est trop jeune pour son rôle de « parrain » arrogant et le second trop âgé en étudiant en droit. Cela fausse la lisibilité de leurs relations, même s'ils sont irréprochables dans leur jeu. Claudia Cardinale n'a qu'un rôle périphérique mais intéressant, de prostituée aimant les baffes (seulement celles de sa ‘gouape’, attention !), mais sa présence ne justifie aucunement le fallacieux titre français. Quant à Raymond Pellegrin, il assume courageusement son rôle de ripou libidineux, suant et abject. On est loin du bellâtre des films de Pagnol !
« LUCIA ET LES GOUAPES » souffre seulement d'une réalisation parfois hasardeuse. Pasquale Squitieri – comme la plupart de ses contemporains – use et abuse du zoom, véritable fléau abîmant énormément de films tournés à cette époque, en Europe comme aux U.S.A. La moitié de ses plans sont flous ou décadrés et les travellings sont nauséeux. C'est dommage, car une rigueur stylistique comme celle du « GUÉPARD » dans la mise en scène, aurait sans doute permis à ce film d'atteindre le statut de classique qu'il a failli mériter. Quoiqu'il en soit, un film passionnant, dont le final au palais de justice, pourtant logique et inévitable, laisse pantois.
À NOTER : Cardinale et Testi apparaissaient déjà ensemble dans « IL ÉTAIT UNE FOIS DANS L’OUEST » : elle en vedette et lui en figurant muet dans la séquence de la vente aux enchères.