Quel drôle de film que « LA FEMME AU PORTRAIT » ! Avec ses faux-airs de production anglaise, il nous entraîne dans un suspense bâti sur le principe de l’engrenage : fasciné par une toile dans une vitrine, représentant une belle femme, le professeur en criminologie Edward G. Robinson tombe nez à nez avec celle-ci, un soir où il a un peu trop bu. Joan Bennett l’invite chez elle et alors que la soirée prend une tournure intime, l’amant de la jeune femme surgit et Robinson doit le tuer en état de légitime défense. Au lieu d’appeler la police, il décide de se débarrasser du corps. À partir de là, tout va de mal en pis.
On suit avec une fascination mêlée d’agacement les pérégrinations de ce suspect lamentable : Robinson accumule les gaffes, les lapsus, les maladresses, les oublis, comme s’il cherchait à se faire prendre. La nuit du meurtre est détaillée avec soin par Fritz Lang, jusqu'à l’exaspération. Alors qu’on souhaiterait des ellipses et des fondus-enchaînés pour en finir, le réalisateur détaille avec une sadique minutie le parcours du combattant de son assassin-amateur. Et c'est très crispant ! Et donc amusant et accrocheur.
Avec son physique replet, son visage tourmenté, son regard enfiévré, Edward G. Robinson occupe l’essentiel du métrage avec une roublardise enthousiaste. Face à lui, la très belle et sensuelle Bennett est idéalement castée et Dan Duryea joue une de ces fripouilles visqueuses dont il avait le secret.
Alors qu’on s’enfonce irrémédiablement dans une machine à broyer, « LA FEMME AU PORTRAIT » nous offre subitement un épilogue tout à fait inattendu et en même temps parfaitement logique. C'est une cerise sur le gâteau qui nous abandonne sur une impression joyeuse et malicieuse, sans laisser sur la frustration d’une « chute » gratuite ou facile. Une jolie variation sur le ‘film noir’.