Il a tout traversé avec une bonne humeur ravageuse : les séries B de Roger Corman torchées en deux jours, le trip LSD des sixties, les films d’auteur underground et le super-vedettariat, pour finir cabotin de luxe aux cachets obscènes, à l’instar de son prédécesseur Brando.
On repère Jack Nicholson en délinquant dans « THE CRY BABY KILLER », en maso hilare se faisant arracher les dents dans une séquence-culte « LA PETITE BOUTIQUE DES HORREURS », en benêt en collants dans « LE CORBEAU », en ‘marine’ dans « ENSIGN PULVER », en officier napoléonien dans « THE TERROR », en tueur sadique du Far-West dans « LA MORT TRAGIQUE DE LELAND DRUM », en cowboy naïf dans « L’OURAGAN DE LA VENGEANCE », en pompiste shooté dans « WILD ANGELS ON WHEELS », en ‘biker’ déjanté dans « REBEL ROUSERS », avant qu’il n’éclate enfin dans « EASY RIDER » dans un rôle pourtant épisodique d’avocat déjanté, qui fait un bout de route avec les deux hippies.
Suivent des succès d’estime dans un cinéma d’auteur hors des sentiers battus : le pianiste déraciné de « 5 PIÈCES FACILES », le speaker binoclard introverti de « THE KING OF MARVIN GARDENS » (absolu contremploi !), avant le succès international qui arrive avec son rôle de mataf bas-du-front dans « LA DERNIÈRE CORVÉE ». Dès lors, les grands rôles affluent : J.J. Gittes, le privé cynique de « CHINATOWN », rôle magnifiquement adapté à sa personnalité qu’il reprendra vingt ans plus tard dans « PIÈGE POUR UN PRIVÉ » qu’il réalise lui-même. Il est l’usurpateur d’identité de « PROFESSION : REPORTER », le voyou sympathique interné en HP de « VOL AU-DESSUS D’UN NID DE COUCOU », son plus grand succès public, le traîne-savate obsédé sexuel dans « LE FACTEUR SONNE TOUJOURS DEUX FOIS ».
Jack tourne énormément et les échecs pleuvent aussi : « MISSOURI BREAKS » où il est un terne voleur de chevaux, bouffé tout cru par le gros Brando, « EN ROUTE VERS LE SUD ! » qu’il réalise et où il joue un hors-la-loi « acheté » par une célibataire. Il est un kidnappeur benêt dans « LA BONNE FORTUNE », un flic frontalier en butte au Système dans « POLICE FRONTIÈRE ». Il accepte des petits rôles comme Eugene O’Neill dans « REDS » ou le syndicaliste tenace dans « LE DERNIER NABAB ».
Après « SHINING » où il incarne à l’extrême limite du surcabotinage, un écrivain possédé par des esprits maléfiques, le jeu de Nicholson change ostensiblement et semble de plus en plus débridé et hors-contrôle. C’est parfois amusant : le ‘hitman’ bovin et sentimental de « L’HONNEUR DES PRIZZI », le cosmonaute ivrogne de « TENDRES PASSIONS », mais le plus souvent pénible et sans raison d’être : le diable éructant dans « LES SORCIÈRES D’EASTWICK », l’insupportable Joker plâtré de « BATMAN », le général fêlé dans « DES HOMMES D’HONNEUR », le syndicaliste surchargé de prothèses de « HOFFA », le double rôle de président des U.S.A. et d’agent immobilier ringard de Vegas dans « MARS ATTACKS ! », le psy de « SELF CONTROL ».
Il est plus à son affaire en cambrioleur vieillissant dans le méconnu « BLOOD & WINE », en écrivain misanthrope dans « POUR LE PIRE ET POUR LE MEILLEUR », qui lui vaut l’Oscar, en séducteur carburant au viagra dans « TOUT PEUT ARRIVER », en business man atteint d’un mal incurable dans « SANS PLUS ATTENDRE ».
L’éditeur usé, ravivé par une morsure de loup dans « WOLF », l’homme brisé qui veut venger son fils tué par un chauffard dans « THE CROSSING GUARD » sont de rafraichissantes surprises tardives.
Et c'est alors qu’on n’attendait plus grand-chose de lui, que Jack trouve peut-être son plus beau rôle : celui du flic obsédé par son ultime affaire dans « THE PLEDGE ». Il est également très bien en retraité dépressif de « MONSIEUR SCHMIDT », en caïd givré dans « LES INFILTRÉS ».
Nicholson apparaît non mentionné au générique de « L’AFFAIRE AL CAPONE » en tueur enroué, puis des années plus tard dans « BROADCAST NEWS » en présentateur vedette de TV et dans « ÉTOILE DU SOIR » où il reprend le temps de trois scènes, son rôle d’astronaute créé dans « TENDRES PASSIONS ».
À la TV, il apparaît en escroc moustachu dans « FLIGHT TO FURY » qu'il a également écrit, en latino dans plusieurs épisodes du « JEUNE DOCTEUR KILDARE ».