Bob Rafelson et Jack Nicholson ont tourné six films ensemble, allant du classique du cinéma indépendant comme « 5 PIÈCES FACILES », au remake réussi comme « LE FACTEUR SONNE TOUJOURS DEUX FOIS », en passant par le nanar infâme comme « MAN TROUBLE ».
« BLOOD & WINE » fait partie de leurs grandes réussites communes, même s’il demeure étonnamment méconnu. Condensé de ‘film noir’ transporté des grandes métropoles nocturnes aux extérieurs ensoleillés de Miami, c'est un film dénué de toute psychologie, qui jette quelques scorpions dans un bocal et les regarde s’entredévorer. La grande qualité du film, c'est d’abord son mouvement perpétuel. Le film ne cesse jamais d’avancer, un évènement en entraîne un autre, chaque acte a sa conséquence, et l’ennui n’a jamais le temps de s’installer. On suit ces individus primaires et franchement infects, avec une sorte de fascination amusée.
Il faut dire que Rafelson a eu l’instinct de s’entourer de trois énormes pointures : Nicholson d’abord, à son top dans un rôle de vieux bellâtre complètement amoral, jamais totalement antipathique malgré ses actes. Puis la géniale Judy Davis, formidable en épouse vieillissante et négligée : la scène où elle massacre Jack à coups de massue semble venger la Shelley Duvall de « SHINING » ! Et puis Michael Caine, proprement hallucinant dans un contremploi absolu : il est méconnaissable en perceur de coffres bestial et violent, rongé par le cancer, mais toujours excessivement dangereux. Une vraie performance ! À leurs côtés, les « jeunes » Stephen Dorff et Jennifer Lopez, très fraîche, peinent à exister. Mais qui l’aurait pu ?
« BLOOD & WINE » est magnifiquement photographié, écrit au cordeau et évoque par moments les classiques de John Huston, que ce soit par la présence du collier-prétexte déchaînant les passions les plus sordides, digne du « FAUCON MALTAIS » ou par sa fin dérisoire sur la jetée, renvoyant au « TRÉSOR DE LA SIERRA MADRE ». Le fait que Nicholson ait longtemps été le gendre de Huston et qu'il ait tourné avec lui (« CHINATOWN ») et sous sa direction (« L’HONNEUR DES PRIZZI ») rend la filiation encore plus palpable. Étrange vraiment, le sort de certains films qui semblaient promis à un succès durable, et qui ne parviennent jamais à s’inscrire dans les annales d’un genre.