Il est « officiellement » établi que Dario Argento a signé ses chefs-d’œuvre pendant les premières années de sa carrière et que ses films tournés sur le tard sont tous désastreux. À bien y regarder, ces fameux premiers opus ne sont pas tous irréprochables. Loin de là ! « 4 MOUCHES DE VELOURS GRIS » par exemple est une sorte de ‘whodunit’ laborieux et au scénario désarmant d’ingénuité, qui prend pour héros un vague rocker mâtiné de hippie, pris pour cible par un tueur masqué qui le fait d’abord chanter et s’attaque ensuite à son entourage.
L’histoire est squelettique, les péripéties sont plus que rares, les coups de théâtre involontairement hilarants et il est clair que le réalisateur n’a fait que se préparer de longues plages essentiellement visuelles où l’image prend le pas sur le récit, un peu comme le fera aussi le jeune Brian DePalma. Ce qui donne à l’écran d’interminables scènes de « suspense » où des personnages avancent à tâtons dans la pénombre, jusqu'à ce qu'ils se prennent un coup de massue ou de couteau.
Le casting est des plus bizarroïdes : l’Américain Michael Brandon – sorte d’avatar de Mike Brant – joue un protagoniste impavide et sans aucune personnalité, traversant les séquences comme une silhouette découpée dans le contreplaqué. À ses côtés, Jean-Pierre Marielle compose un personnage quelque peu absurde de « privé » gay tout vêtu de blanc, Mimsy Farmer fait ce qu'elle peut et sa scène finale est une telle bouillie psychanalytique, qu’on ne peut que la louer d’être allée jusqu'au bout. On a même droit à Bud Spencer dans un rôle mal défini d’ermite ange-gardien omniscient – ah, oui ! Il s’appelle… ‘Dieu’ – qui va et vient sans rime ni raison et croque tout cru un poisson qu'il vient de pêcher !
Il est certain que l’ami Dario a fait mieux. Il a aussi fait pire. Mais « 4 MOUCHES DE VELOURS GRIS » (un joli titre, ceci dit) vaut pour quelques images-choc comme l’exécution au cimeterre qui revient en rêve ou l’accident final. Pour le reste, il faut être très très fan du maestro ou indulgent de nature.